Titre : Celui qui rêvait éveillé, scène 4.
Base : Gundam Wing.
Genre : Sérieux, torture mentale d'un Hee-chan sans défense sous ma plume, perso parfois kawaï, mais même pas de shonen aï.
Couples : Seulement si on a l'esprit vraiment très mal tourné. Et parce qu'on ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve...
Auteurs : Meanne77, avec la collaboration de Seinseya.
E-mails : meanne77@noos.fr et seinseya@aol.com
Notes : Première fic... Remodelage de la chronologie (mais *quelle* chronologie ??), parce que ça m'arrange. Merci à Sein, sans qui cette fic n'aurait pas dépassé la cinquième page... La plupart du vocabulaire utilisé est traduit dans la fic même, enfin, vous verrez... Langage "châtié" de Duo, mais on lui pardonne...
Disclamer : On se cotise, on se cotise. Mais pour l'instant, ils sont pas encore à nous... Kotori et le jeune homme nous appartiennent, mais qui s'en soucie, mis à part nous ?

 

Acte Premier : Heero.
Celui qui rêvait éveillé.

Scène 4 :

 

Lorsque Duo se réveilla, il était couché en chien de fusil sur le sol. Une couverture le recouvrait et sa tête était enfouie au creux d'un oreiller dont il ne se rappelait pas la veille. Il se frotta les yeux et chercha Heero du regard. Un bruit d'eau que l'on coupe provenant de derrière lui le rassura. Il bâilla, s'étira et se tourna à demi vers la salle de bain. Heero en sortit moins d'une seconde après. Il s'arrêta sur le pas de la porte et le fixa d'un air froid mais moins que d'habitude. Ça semblait plus "artificiel", et Duo pouvait sentir comme une gêne planer dans l'air. Il se gratta le crâne, étouffa un autre bâillement et salua le jeune homme de la main. Heero répondit par un mouvement raide du menton.
Duo se leva tant bien que mal et s'étira dans tous les sens, grognant après des courbatures. Il sentait le regard d'Heero sur lui.
Le Japonais sentait qu'il devait dire quelque chose, mais aucun mot ne voulait franchir le cap de ses lèvres.
- Bien dormi ? demanda Duo avec un sourire dénué de toute moquerie.
Une rougeur imperceptible envahit les joues d'Heero. Sa gêne était presque palpable. Il hocha néanmoins la tête avec raideur. Le sourire de Duo s'accentua.
- Booon ! Bin vais m'doucher alors ! A toute !
Il se dirigea vers la porte et pivota, la main sur la poignée.
- Euh... Ils... sont pas là, uh ?
- Iie, fit le Japonais aux yeux cobalt, la rougeur de ses joues presque visible. Le sourire de Duo se fit tout simplement immense.
- Douche, me voilà ! Crie au besoin ! s'exclama la tornade Maxwell en quittant la chambre, sa natte à moitié défaite accompagnant avec sensualité chacun de ses mouvements.

Heero fixa la porte encore deux secondes après le départ de Duo. Puis ses yeux dérivèrent malgré lui vers l'endroit où s'était trouvée la petite fille. Il n'y avait aucune trace de son agonie, bien sûr ; elle n'en avait pas moins été réelle, peu importait qu'elle datât de la veille ou de plusieurs années plus tôt.
Heero secoua la tête pour chasser ces pensées et rassembla le peu d'affaire dont il s'était servi. Son sac bouclé, il se mit en quête du professeur J, afin de l'informer que leur système informatique était de nouveau fiable, et pour obtenir les coordonnées de leur prochaine planque.

*******

Duo sortit dans le couloir en achevant de natter ses cheveux encore humides. Son estomac ordonna à ses pieds de se diriger immédiatement vers la cuisine ; les pieds ne protestèrent pas.
Il ouvrit la porte avec un grand fracas, s'attirant des regards tendus de la part des trois autres pilotes.
- Des toaaasts !!! A moi ! Manger ! s'écria-t-il en se jetant littéralement sur la nourriture. Aaah ! Je meuuuurs de faim !
- Duo ?
- Ne t'accapare pas le café comme ça, mon vieux, fit-il en soufflant la cafetière des mains de Trowa, pour s'en verser une bonne rasade. Aah ! Je revis ! Quelle drogue, ce truc, c'est dingue !
- Duo...
- Rien de tel qu'une bonne tartine dès le matin pour être en super forme toute la journée !
- Maxwell !
- Oui, oui, je t'en tartine une, Wuffy, pas la peine de t'exciter comme ça ! Faut que t'arrête le café, toi, c'est trop fort pour toi, hein ! J'suis sûr que le thé de Quatre...
- Suffit !
Duo referma sa bouche sur sa tartine et entreprit de mâcher avec application, tout en regardant le Chinois de ses grands yeux améthystes.
- Parle !
- Mais avaich plaichir !
- Duo, au sujet d'Heero.
- En pleine forme ! Ou presque. Je fais un oreiller du tonnère, Quatrounet, je t'assure !
- Que c'est-il passé ?
- Oooh ! Petit curieux, va ! Ça t'interesse, ou t'es jaloux, ha ha...
Regard meutrier du Chinois.
- Hum ! Oui, bon, bref, euh, bin ça va, quoi ! C'était juste un cauchemar, ça nous arrive à tous, nan ?
- ...
- Euh...
- Pas des comme ça.
Duo haussa les épaules et fixa Wu Fei d'un air sérieux.
- Toi, t'as eu la chance d'avoir une famille, tu peux pas comprendre...
- Ma colonie a été entièrement détruite.
- La mienne ne vaut guère mieux, et ce depuis le début.
- Mais Heero était terrifié, Duo ! s'exclama Quatren coupant court à la dispute naissante. Je n'avais encore jamais ressenti ça ! Chez personne !
- ... On pourrait peut-être en reparler plus tard, non ? Quand Heero s'ra là, déjà... Et puis ailleurs qu'ici.
Quatre s'empressa d'approuver de la tête. Il préférait lui aussi tenir les professeurs à l'écart, du moins pour l'instant.
- De toute façon, Heero sait qu'il doit nous parler, je pense. On est plus à une matinée près maintenant.
- Mais tu sais ce qu'il se passe ?
- ... Moui, plus ou moins. Je prétends pas avoir toutes les réponses, loin de là, mais j'ai une meilleure idée du problème à présent.
- Bien. Nous en parlerons à la planque, conclut Trowa, closant ainsi la discussion.
Duo hocha la tête et acheva, enfin, de remplir son estomac affamé.

*******

Trowa s'absorba dans la contemplation du paysage. Au loin, il pouvait distinguer la forme sombre d'une usine aérospatiale. En réalité, il s'agissait de la plus grande unité de fabrication de Mobil Dolls d'OZ. Grâce au vol de la puce, une semaine auparavant, la production des MD avait été interrompue, les améliorations n'ayant pu être ajoutées. C'était le moment pour eux d'intervenir, avant que les savants d'OZ ne remettent au point un nouveau prototype.
La mission était délicate car même sans la puce, les MD restaient des armes redoutables, surtout en aussi grand nombre. Mais les professeurs leur avaient promis que les dernières modifications de leurs Gundams seraient parachevées d'ici deux jours. Le surlendemain, ils lanceraient leur attaque.
Trowa sentit la présence de Quatre à ses côtés. Ils échangèrent un regard entendu... La mission ne serait pas simple.
- Et bien, de nouveau, il n'en manque plus qu'un, fit Wu Fei en direction de Maxwell. Duo poussa un petit soupir et eut un geste d'apaisement.
- C'est bon, c'est bon... Je vais le chercher, ajouta-t-il en quittant la pièce.
Il se dirigea vers la chambre d'Heero, où celui-ci transmettait son rapport au docteur J. Duo prit sur lui et toqua à la porte, mais entra sans attendre la réponse. Heero l'accueillit par son "Hn ?" habituel.
- On est tous réunis dans le salon... Tu viens ?
Heero se retourna vers lui. Duo crut le voir retenir un soupir. Le Japonais acheva d'expédier son rapport puis se leva de son siège et fit signe du menton à Duo de partir devant. L'Américain s'exécuta, surveillant de coin de l'oeil qu'Heero le suivait de près.
Il entra dans la pièce à la suite de Duo. Trois paires d'yeux se posèrent immédiatement sur lui, attendant ses explications. Duo resta près de lui, s'appuyant contre le mur, et Heero le remercia mentalement de ce maigre soutien. Il se souvint de la veille, et de son réveil au matin, les bras de Duo autour de ses épaules, ce qui acheva de le mettre mal à l'aise. Wu Fei le scrutait, inquisiteur ; Trowa avait son air détaché habituel, mais il sentait qu'il le jugeait déjà. Le Français était pourtant celui qu'il appréciait le plus, parmi les quatre. Peut-être parce qu'ils se ressemblaient, tous les deux. Il se demanda comment lui-même réagirait, si la situation était inversée. Probablement de la même façon...
Son regard glissa sur Quatre. Le jeune empathe le fixait d'un air inquiet. Enfin, il pouvait sentir le poids du regard de Duo sur lui. Il n'osa pas se retourner. Tous attendaient, suspendus à ses lèvres, mais une fois de plus, les mots refusèrent de sortir. Il savait pourtant qu'il devait s'expliquer, il mettait en péril l'unité du groupe, la mission. Mais expliquer quoi, alors qu'il ne comprenait pas lui-même ? Comment même aborder seulement le sujet ? Il changea de position. Le silence s'éternisait, le regard de Wu Fei se fit plus perçant, plus agressif. Il jeta alors un regard à Duo, enfin. Celui-ci le lui rendit, hésitant. Aussi étrange que cela puisse lui paraître, il avait envie de se reposer sur lui, comme si la nuit dernière avait changé quelque chose entre eux. Et peut-être était-ce le cas... Duo avait dit qu'il l'aiderait...
S'il te plait.
La lueur dans les yeux de Duo se modifia imperceptiblement.
S'il te plait...
Duo détourna le regard... et prit la parole.
- Okaaaaay ! Bon, alors, voilà, en fait, d'après ce que j'ai compris, et tu n'hésites pas à me reprendre si je me trompes, Hee-chan, mais donc, bin, disons que... Heero... hum, hésita l'Américain. C'était bien la première fois qu'il cherchait ses mots de la sorte. Heero fait des cauchemars à répétition. On mène tous une vie qu'on peut qualifier d'anormale pour des gens de notre âge, et je vous parle même pas de notre passé, vous savez tous qu'il est loin de pouvoir figurer dans la littérature infantile. Bref ! Je crois pas me tromper en disant que des mauvais rêves, on en fait tous. Et plutôt des pas cool, si j'en crois certaines nuits que nous avons passé tous ensemble dans la même pièce...
Ses yeux balayèrent l'assistance.
- On a tous vu pas mal d'innocents mourir, on y est pas totalement étrangers parfois, voir même carrément responsables, rien de vraiment étonnant à ce qu'ils viennent nous rendre parfois une petite visite nocturne. Seulement... le problème, c'est qu'Heero... enfin, que ses cauchemars, ils le poursuivent après son réveil... C'est ça, hein ? fit-il en direction du Japonais. Celui-ci hésita une seconde, avant d'hocher la tête.
- Ils quoi ? Ça veut dire quoi "ils le poursuivent après son réveil" ? demanda Wu Fei.
- Et bin, même éveillé... ils sont toujours là..., hésita Duo, demandant une fois de plus du regard confirmation auprès d'Heero.
- Ils quoi ?? T'as des hallucinations, Yuy, c'est ça ?
Heero se retint de se mordre la lèvre inférieure.
Il me prend pour un fou.
La colère monta en lui.
- Tu vois des gens morts, Heero, c'est vrai ? demanda Quatre d'une voix étranglée.
Heero ne put qu'acquiescer.
- Depuis combien de temps ? demanda Trowa de la même façon qu'il demanderait l'heure à laquelle ils allaient manger.
- ... Trois semaines, lâcha-t-il.
Donc, deux semaines avant l'erreur du chargeur..., pensa le Français.
- Yarbi, geignit faiblement Quatre, mon Dieu...
- Euh, attendez là, je suis le seul à m'étonner que Yuy ait des hallucinations ou quoi ?
- Wuffy...
- Et on le laisse encore venir en mission ?
- Wu Fei ! Au lieu de réagir comme ça, tu ferais mieux de réfléchir à un moyen pour l'aider !
Heero serra les poings malgré lui. D'un côté, il refusait encore toute aide, preuve flagrante qu'il était vulnérable, lui ; de l'autre, Duo lui avait menti, sans le vouloir peut-être, sûrement, mais il lui avait menti. Il était le seul à vouloir l'aider.
- Oh pardon, Heero, pardon !
Tous se retournèrent stupéfaits vers Quatre. Ce dernier s'était recroquevillé sur lui-même, la tête reposant presque sur les genoux.
- Pardon, pardon !
Trowa se trouva immédiatement à ses côtés, suivi de près par Duo.
- Quatre ? Qu'est-ce que tu as ?
- Samhey, pardon, je n'ai rien senti, pardon... Depuis tout ce temps, et tu étais tout seul, et je n'ai pas compris ce que tu ressentais, et je n'ai rien vu...
Ou je ne voulais rien voir ?
Ce doute lui broyat encore d'avantage le coeur.
- Je n'ai rien fait, pardon Heero, pardon, ortsint minchk at chemh', je suis tellement désolé !
Mais... Pourquoi s'excuse-t-il ? se demanda Heero, complètement désemparé par la réaction de Quatre. Qu'il était loin, le "Soldat Parfait", pensa-t-il amèrement, alors qu'il comprenait qu'il avait perdu le contrôle de la situation depuis longtemps.
- Quatre, calme-toi !
- Oui, Qua-chan, reprends-toi, ça va aller ! Rejette ces pensées, Quatre, ce n'est pas de ta faute !
- J'aurais dû sentir, j'aurais dû comprendre !
- Comment veux-tu comprendre alors que j'en suis incapable moi-même ?
Et voilà qu'il voulait le consoler, le rassurer, à présent ! Mais qui était-il devenu ? En qui ses rêves l'avaient-ils transformé ? Etait-il encore digne de sa mission ? Etait-il encore seulement capable de la mener à bien ? Que lui resterait-il, s'il ne pouvait plus se battre ?
- Respire, Quatre, et Heero, viens t'asseoir, s'il te plait, ne reste pas à l'écart. Quant à toi, Wuffy, fais attention ce que tu as l'intention de dire ! dit le jeune Shinigami d'un ton tour à tour doux, puis menaçant.
Quatre s'efforça de se maîtriser, même si cela lui était dificile, tant il se sentait coupable. Il vit Heero s'asseoir d'un mouvement hésitant sur l'accoudoir du divan. Trowa était toujours à son côté, la main sur son épaule, comme pour le soutenir, alors que Duo s'était agenouillé auprès de lui, se trouvant encadré entre Heero et lui-même.
- Ça va aller ? lui demanda l'Américain. Il hocha rapidement la tête, il ne devait pas se montrer faible...
- Bon, on va reprendre calmement alors. Heero, tu saurais nous dire quand exactement ça a commencé ? Il y a eu quelque chose de particulier juste avant, ou je sais pas moi, quelque chose qui aurait déclenché... ça ?
Heero prit le temps de réfléchir avant de répondre.
- Iie, non, je ne crois pas, avoua-t-il enfin.
- Mais jusqu'à hier, on ne s'est douté de rien ! Comment as-tu fait pour nous cacher ça ?
- Au début..., commença le Japonais avant de s'interrompre. Duo l'encouragea du regard. Il sentait le poids de ceux des autres sur lui, mais il vrilla ses yeux au fond de ceux du natté, il refusait de croiser le regard des autres, surtout celui de Quatre. Non, surtout celui de Trowa.
- Au début ?
Le Japonais aux yeux cobalt prit une grande inspiration, et détourna les yeux, fixant le rebord de l'accoudoir. Il ne pouvait plus reculer, c'était trop tard à présent, ils en savaient trop, et pas assez.
- Au début, ce n'était que des rêves, et puis... elle a commencé à... apparaître au détour des couloirs, comme si elle m'attendait...
- Qui ça ?
- La... une petite fille... que j'ai croisé sur L1. Que j'ai tué.
Quatre hoqueta.
- Pourquoi l'as-tu tuée, Heero ? demanda calmement Duo.
- J'ai... Je devais détruire une base militaire d'OZ, mais... l'explosion s'est propagée au quartier résidentiel qui la juxtaposait... C'était ma faute, elle est morte à cause de moi. Elle... avait un petit chien...
Heero serra convulsivement les poingts pour empêcher ses doigts de trembler.
- C'était un accident, Heero !
- C'était ma faute !
Duo retient un soupir. Mieux vallait ne pas contrarier le Japonais pour l'instant.
- Ensuite ? demanda Trowa d'un ton détaché.
- Elle.. a commencé à venir de plus en plus souvent. Elle restait silencieuse, et elle souriait, comme... lorsque je l'ai rencontrée. Elle... n'arrête pas de m'appeler Nii-san...
- Je croyais qu'elle ne parlait pas ?
- Maintenant si.
- Et la fille d'hier, Heero, qui était-ce ?
Heero fronça un instant les sourcils, comme s'il essayait de se souvenir.
- Kotori... j'ai cru que c'était elle, mais elle est morte elle aussi.
- Qui était-ce ? demanda Duo, une boule d'angoisse au ventre.
- Une fille... de L1...
Duo se détendit légèrement. Il avait craint que cette Kotori un prénom japonais n'ait été quelqu'un de sa famille. Après tout, il ne connaissait rien du passé de son ami ; d'aucun de ses amis, à vrai dire. Ils n'en parlaient jamais.
- Elle... m'avait suivi lors d'une mission. Elle voulait... Elle est morte en me protégeant.
- Mais tu te sens responsable, n'est-ce pas ?
- J'aurais dû faire quelque chose autrement, faire en sorte qu'elle ne me suive pas, ou abattre le soldat avant, ou...
- Calme-toi. Qui d'autre ?
Heero soupira.
- Odin... C'est... l'homme qui m'a... formé, avant que je ne rencontre J, expliqua-t-il, anticipant la prochaine question de Duo.
- Tu te sens responsable de sa mort, à lui aussi ?
- Il est venu me voir..., répondit-il, comme si cela voulait tout dire.
Duo fixa pensivement ses pieds. Il n'aurait jamais imaginé que Heero et lui pouvaient se ressembler autant ; il aussi avait tué, d'une manière ou d'une autre, tous ceux qui l'avaient approché.
- Et Noventa ? demanda Trowa, qui ne se rappelait que trop bien la culpabilité qu'Heero avait alors ressentie.
Heero réfléchit un instant.
- Ça revient dans mes rêves, mais lui-même ne vient pas le jour.
- Comment ça se fait ? Je croyais qu'il revenaient tous ? s'étonna Duo.
- Pas lui.
- Pourquoi ?
- Watashi wa shirimasen, je ne sais pas.
- Peut-être..., émit Quatre, peut-être est-ce parce que tu ne l'as jamais rencontré ? Tu as connu personnellement les autres, n'est-ce pas ?
- ... Haï.
- En quelle langue te parlent-ils ? demanda brusquement Duo, subitement frappé par une idée.
- Nani ?
- Ils te parlent, pas vrai ? En quelle langue ? En japonais ?
- ... Haï, oui.
- Et en vrai, ton Odin là, et la petite, de... leur vivant, ils te parlaient en japonais ?
- ... Non...
- Ah !
- Et alors ?
- Rien, ça prouve juste qu'ils ne sont pas réels, c'est tout. Donc, ils ne peuvent pas te faire de mal. Tu les imagines, c'est tout.
- Je ne suis pas fou, cracha Heero, en serrant les poings.
- Je n'ai jamais dit ça ! Je crois juste que tu es surmené, et que tu culpabilises un max. Ton esprit a besoin de vacances.
Le visage d'Heero se durcit encore.
- Ecoute-moi attentivement, Heero. Ils ne sont pas réels, tu entends ? Ils ne peuvent rien contre toi. Si tu n'y prêtes pas attention, ils ne peuvent rien te faire.
Rien lui faire, c'était vite dit ; le jeune homme n'avait pas l'air de vouloir en rester là, loin de là.
- Tu les imagines, ils n'existent pas, répéta Duo.
- Ils sont morts.
- Ce ne sont que les souvenirs que tu conserves d'eux, Heero. Des images, rien de plus. Tu n'as rien à craindre d'eux. La... prochaine fois, ignore-les, c'est tout, ils n'ont aucune réalité tangible, aucun pouvoir sur toi.
- Je ne sais pas, les ignorer n'est peut-être pas la bonne solution...
Duo fronça les sourcils, surpris d'être contredit par Quatre.
- Je suis d'accord pour dire qu'ils ne sont pas réels, mais d'une façon ou d'une autre, ils ont un message à faire passer...
- Euh, Quatrounet...
Quatre leva les mains pour l'interrompre.
- Je pense que l'inconscient d'Heero veut lui faire comprendre quelque chose, et qu'il a choisi ce moyen... Reste à savoir quoi exactement, pour que ça s'arrête...
Heero bougea sur son accoudoir. Il aurait donné n'importe quoi pour que la discussion s'arrêtât là. Pour qu'elle n'ait jamais existé, en fait. Il ne supportait pas cette situation, sa faiblesse dévoilée à tous. Ne pouvait-il pas s'en sortir seul ?
Cette pensée le rendit amer : visiblement pas. Il ne l'acceptait pas facilement pour autant.
- Bon, okay, t'as peut être raison, mais qu'est-ce qu'il devrait faire ? Les inviter à discuter autour d'un thé ?
- Je ne sais pas... je ne sais pas...
Heero se demanda si Duo et Quatre s'en apercevraient, s'il quittait la pièce. Peut être pas, trop occupés qu'ils étaient à parler de lui comme s'il n'était pas là, mais Trowa et Wu Fei ne manqueraient pas de le remarquer, eux.
- Penses-tu être opérationnel pour la mission dans deux jours ?
Tous se retournèrent vers le Français. Heero eut un léger sourire intérieur. C'était pour ça qu'il appréciait Trowa, il ne perdait jamais l'essentiel de vue. Il eut envie de répondre que oui, mais il était obligé de reconnaître qu'il n'en avait pas la moindre idée. Il se sentait prêt, tant que ses fantômes n'étaient pas là. Mais sinon, il perdait complètement le contrôle, comme si son esprit ne lui appartenait plus. Devait-il mentir ?
- Je pense que oui. Mais je ne peux pas l'affirmer à 100 %. Je ne suis plus moi-même lorsqu'ils apparaissent...
Trowa le fixa sans expression particulière. Il se doutait de ce que cela avait coûté à Heero de reconnaître, comme il venait de le faire, son incertitude. Peut-être venaient-ils de franchir un nouveau pas dans la confiance qui les liait les uns aux autres. Mais le problème demeurait : ils ne pouvait pas se passer d'Heero. Il voulait l'aider, pour la mission, mais aussi parce qu'il appréciait le jeune homme, mais comment combattre ses démons intérieurs ? Même s'il le savait, il se doutait que deux jours n'y suffiraient pas. Ils allaient devoir en tenir compte, réduisant au maximum le rôle qu'Heero aurait à jouer dans leur attaque, et ce, tant qu'ils ne pourraient plus être sûr de pouvoir compter sur lui. Il savait que le Soldat en Heero se rallierait à son avis ; pour lui, la mission passait avant tout, et puisqu'il reconnaissait enfin par lui-même qu'il n'était plus efficace, cela simplifierait les choses.
Il hocha la tête doucement, ayant pris sa décision. Puisqu'ils ne pouvaient pas se permettre de le laisser assurer leurs arrières, Heero serait leur avant garde.
- Bien ; parlons de la mission...

*******

Allongé dans son lit, Heero repassa en revue les évênements de la journée. Il s'était réveillé dans les bras de Duo, avec un sentiment de sécurité qu'il n'avait jamais ressenti jusqu'alors. Il n'aurait pas cru cela possible, ne sachant même pas dire si c'était le fait en lui-même ou celui qu'il s'agisse de Duo, qui le surprenait le plus.
Ou peut-être était-ce tout simplement le hasard... Peut-être aurait-il fini par se rendormir, serein...
... Je ne me serais pas rendormi. Ils ont fini par partir, sans que je m'en rende compte, mais ce n'était pas parce que c'était lui, c'était juste la présence...
Comme Kotori...

Kotori... Il n'avait plus pensé à elle depuis le jour de sa mort. Et se souvenir d'elle était douloureux. Elle représentait ce pourquoi il se battait. Tout comme la petite fille et son chien. Les innocents des colonies, opprimés par la force d'OZ. Et ils les avait tuées, toutes les deux. Il tuait ceux qu'il défendait. Comment expliquer ce paradoxe ? Comment l'accepter ? Etait-ce, comme l'avait dit Quatre, ce que son inconscient essayait de lui dire ? Mais comment, comment l'accepter ? Il ne suffisait pas de se dire "je l'accepte, j'assume", ça ne marchait pas comme ça. Alors comment ? Il enrageait d'être tenu à un rôle insignifiant pour la mission. Mais il représentait un poids pour les autres, un facteur imprévisible dont ils se seraient bien passé. S'ils avaient pu. Il était persuadé que Trowa l'aurait écarté sans un remord, s'il en avait eu la possibilité. Il ne lui en voulait pas, Trowa était un soldat et un bon, il savait prendre les bonnes décisions, même si d'ordinaire, il s'exprimait peu. D'ordinaire, il n'en avait pas besoin. D'ordinaire, Heero était capable d'assurer ses fonctions.
Pendant un instant, Heero envisagea de ne pas participer à l'attaque. Ses actions risquaient d'être trop aléatoires, il serait peut-être le pire danger auquel ses alliés auraient à faire face. Peut-être était-il plus prudent qu'il ne les accompagnât pas... Il étudia sérieusement cette idée, malgré toute la répugnance qu'elle lui inspirait. Mais c'était pour la mission. Il était prêt à mourir pour elle, alors pourquoi avait-il autant de mal à accepter de ne pas se battre ?
Ne pas y aller... Trowa avait dû y songer, lui aussi. Et il était parvenu à la conclusion qu'il acceptait de prendre le risque. Ne lui faisait-il pas trop confiance ?
Mais qu'est-ce qui m'arrive ? Kami-sama, si je doute ainsi avant le combat, je serai incapable de faire quoi que ce soit, même le peu qu'ils me laissent !
De nouveau, l'amertume était là...
Pourquoi, pourquoi ai-je tant de mal à l'accepter ? Alors que je sais que c'est juste, que c'est la seule chose à faire... Je suis un soldat... Je n'existe pas sans la mission...
Pourquoi suis-je prêt à mourir, mais pas à ne pas exister ? Est-ce que... ce sentiment a toujours été là ?

Il retourna longtemps cette pensée dans sa tête, avant qu'une autre question ne surgisse : depuis quand avait-il le sentiment d'exister ?
Il fronça les sourcils, et s'efforça de prendre le problème sous un autre angle. Il était différent, il avait changé. Et il ne s'en était pas rendu compte. Ça s'était donc fait progressivement. Probablement... depuis qu'il s'était allié aux autres pilotes. C'était la seule chose qui avait réellement changée depuis la fin de son entraînement. Donc, ils étaient, en partie du moins, responsables. Il était le Soldat Parfait. Etait. Plus maintenant. Donc, la présence des pilotes lui était néfaste. Pourtant, l'ordre venait de J ; sans cela, jamais il n'aurait fait équipe avec les autres. Que devait-il en conclure ? Que J avait commis une erreur ? Que lui n'avait pas été capable de maintenir son conditionnement, comme on l'attendait de lui ? Dans les deux cas, J avait dû mal apprécier la situation, mais dans le deuxième, la faute revenait à lui, Heero Yuy, pas au docteur J.
D'autre part, il devenait de plus en plus difficile de lutter contre OZ. Ils étaient trop nombreux, et eux, pas assez. La lutte n'était pas inégale, au début, mais si la guerre se poursuivait, ils finiraient par ne plus pouvoir faire face. S'allier était par conséquent effectivement la seule conclusion possible. J n'avait pas commis d'erreur sur ce point. Tout venait donc de lui. Il ferma les yeux. Il se sentait étrange, comme si un grand vide avait soudain envahi son ventre. Il ressentait souvent des émotions aussi, ces derniers temps. Depuis... environ trois semaines, oui. C'était forcément lié, forcément. Mais il devait bien y avoir une cause à l'origine de tout. Quelque chose, n'importe quoi ! Mais il ne parvenait pas à savoir quoi.
Le sommeil commençait à le saisir. Il n'était pas particulièrement inquiet. Pour lui, pour eux, le jour ou la nuit ne faisait aucune différence. Pourquoi aurait-il d'avantage craint de dormir que de rester éveillé ? Même, il préférait encore dormir. Parce qu'au moins, au réveil, il pouvait se dire que ce n'était rien d'autre que cela... Un rêve...

*******

Il se réveilla dans le noir le plus complet. Il ouvrit immédiatement les yeux mais pas une lueur ne vint nuancer l'obscurité qui l'enveloppait. Il n'était pas dans sa chambre. Il n'était pas dans son lit. En fait, il était déjà debout.
Kami-sama, dites moi que je ne deviens pas aussi somnambule !
Il tenta de se repérer mais il n'y avait rien, pas une forme, pas un son, pas un souffle d'air. Il n'avait pas le sentiment de se trouver à l'intérieur de quelque chose, il devait donc se trouver à l'extérieur, mais où ?
Il ne pouvait pas se trouver à l'extérieur non plus, il y aurait forcément quelque chose à voir, à entendre, ou même à sentir. Le vide total n'exitait pas, pas même dans l'espace... Il releva impulsivement la tête. Pas d'étoiles. Rien. Le néant... La panique commença à le saisir mais il parvint à l'endiguer. Il ne pouvait pas rester immobile, c'était rester à découvert. Il devait parvenir à se situer, afin de pouvoir évaluer au plus vite la situation. OZ avait-il eu vent de leur présence ? Ils n'auraient pas pu les capturer sans le réveiller, impossible. Pas OZ donc. Où se trouvaient les autres pilotes ? Il haussa les épaules ; ils étaient parfaitement capables de se sortir des situations les plus critiques... Et lui, l'était-il encore ?
Ça résoudra peut-être la question. Si je n'en suis pas capable, alors je ne sers vraiment plus à rien.
Et brusquement, il compris. Il ne pouvait y avoir qu'une seule explication. La panique revint alors, et cette fois, il ne parvint pas à la contrôler. Il la sentit l'envahir, se propager dans les moindres fibres de son être. Son ventre se noua, son rythme cardiaque s'accéléra et sa respiration se bloqua. A la panique succéda la peur.
Je... je... je veux me réveiller !!!

Un souffle lui effleura la joue. Il fit volte-face, sa main s'emparant de son pistolet... et se referma sur du vide. Bien sûr, ça aurait été trop facile. Il le lui avait dit, bien trop facile. Il était là, il le sentait, tout autour de lui. Aucune issue possible. Ça ne l'empêcha pas de se mettre à courir, frénétiquement. Une voix en lui le Soldat lui cria de rester et de se battre. Il l'entendit mais ne parvint pas à lui obéir. Se battre. Se battre. Pourquoi fallait-il toujours qu'il se batte ? Ne pouvait-il se reposer un peu ? Se battre. Oui, il pouvait se battre, mais pour cela, il fallait qu'il puisse atteindre son adversaire. Que pouvait-il faire contre des fantômes ? Devait-il les ignorer, comme... qui lui avait dit ça ? C'était stupide de toute façon, on ne triomphe de personne en l'ignorant. Que venait faire le thé dans cette histoire ? Sa tête lui faisait mal, son souffle devenait court. Il avait l'impression de faire du sur place. Avait-il seulement bougé depuis le début de sa course ? Comment savoir, sans aucun repère ? La présence était toujours là, plus ou moins proche, mais il avait d'avantage l'impression qu'elle jouait avec lui plutôt qu'il ne parvenait à la semer.
Je veux me réveiller. Je dois me réveiller. Il faut que je sorte de là ; rien n'existe, ce n'est qu'un rêve.
Il fallait qu'il ancre cette pensée en lui.
Ce n'est qu'un rêve !
Il lui sembla entendre un rire porté par le vent. Pouvait-on mourir d'un rêve ?
Il poussa la grille de toutes ses forces ; elle grinça atrocement, lui faisant serrer les dents. Au moins avait-il enfin quelque chose de tangible si on veut avec lequel composer. Vite, s'orienter, avant que la présence ne le retrouve. La grille était grande, large et noire. La peinture était écaillée par endroit et laissait voir des traces de rouille. Au-delà s'étendaient des tombes. Il frisonna malgré lui. Un cimetière. Une boule noua sa gorge. Pouvait-il partir d'ici ? Il se retourna, pour se retrouver face à la grille qu'il venait d'entrouvrir. Au-delà s'étendaient des tombes. Un sanglot lui vint mais il parvint de justesse à le retenir. Une entrée impliquait nécessairement une sortie. Il ne se laisserait pas faire. Se battre. Il était le maître du jeu, il ne laisserait pas ses rêves le contrôler, il avait trop souffert pour ça. Il humidifia ses lèvres sèches et choisit d'entrer dans le cimetière. Il était pris dans un jeu dont il ne connaissait peut-être pas les règles, mais il allait gagner. Il gagnait toujours. Parce qu'il était le meilleur.

Le silence règnait, mais s'il y prêtait attention, il pouvait entendre ce qui semblait être des murmures. Ou peut-être était-ce seulement le vent. Ou étaient-ce les morts pleurant leur vie, leurs actes manqués, tous les remords et les regrets qui jalonnaient leur existence et troublaient leur repos. Mais il ne voulait pas y faire attention, il devait rapidement dresser une configuration des lieux puis attirer son ennemi et le vaincre. L'impossible ne l'était plus dans un rêve ; ici, il pouvait se battre contre des fantômes. Même s'il ignorait encore comment.
Ses pas le menèrent près d'une sépulture. Il la connaissait. Il fronça un instant les sourcils et s'en rapprocha.
La jeune fille blonde avait la tête baissée dans une attitude de recueillement. Il se sentait responsable. Il était responsable. Quelque part, il savait que le véritable fautif était Treize Kushrenada, mais cela excusait-il pour autant le crime qu'il avait commis ? Elle se montrait forte, malgré tout, et ne se laissait pas aller aux larmes. Elle tenait de son grand-père, à n'en pas douter. Il devait présenter ses excuses. Ce n'était pas suffisant, il en avait conscience, mais il ne pouvait plus lui offrir que sa vie.
Elle se tourna vers lui, les yeux brillants, l'air légèrement désemparée, fixant tour à tour lui et le pistolet qu'il lui tendait.
- Je suis le responsable de la mort de votre grand-père. Je n'ai aucune excuse pour ce que j'ai fait. La seule consolation que je puisse vous offrir est l'occasion de vous venger.
Elle le regarda encore, hésitante, puis s'empara de l'arme, la pointant vers lui.
- Comment osez-vous vous présenter de la sorte après ce que vous avez fait ? s'exclama-t-elle, la voix tremblante de larmes. Comment osez-vous venir réclamer mon pardon ? Mon grand-père était quelqu'un de merveilleux ! Il croyait en la paix et se battait pour elle ! Et vous ! Qui êtes-vous, sinon un assassin qui se complaît sous un masque de justicier ? Pensez-vous qu'il vous suffit de remettre votre vie entre mes mains ?
Bien sûr, il continuerait à se battre pour se racheter. Elle le traîterait de lâche et lui ordonnerait de reprendre le combat. Et il le ferait.
- C'est bien loin d'être suffisant !
Le cliquetis de la sécurité qu'on ôte résonna dans l'air.
- Mourir de la sorte est trop simple. Il te faut souffrir avant.
Il n'eut pas le temps de relever les yeux vers elle qu'un poids s'abattit sur lui et qu'un coup de feu rétentit. Le poids se releva à demi et il sentit un liquide visqueux et chaud couler sur lui.
- <Pauvre abruti.>
Ses yeux s'agrandirent malgré lui.
- <Pourquoi ne veux-tu jamais m'écouter ?>
- Pousse-toi, sotte ! Sa vie est à moi !
Kotori se releva, vacillante, et se jetta sur Sylvia avec un cri de rage. Sylvia tira encore, faisant reculer la jeune Japonaise, mais ce ne fut pas suffisant pour l'arrêter.
- <Je mise sur Koto, et toi ?>
Heero se tourna lentement vers la voix. Le jeune homme était agenouillé auprès de lui, le menton appuyé sur ses poings, ses coudes reposant sur ses genoux.
- <Encore que je ne laisserai à personne d'autre que moi le plaisir de te tuer... Sauf peut -être un lynchage collectif... Qu'est-ce que tu te préférerais, dis-moi ?> fit-il avec un rictus cruel que Duo dans ses meilleurs jours lui aurait envié. Il se rapprocha des filles et ramassa avec lenteur le pistolet tombé à terre, sans guère plus se préoccuper du combat qu'elles se livraient. <Voyons si j'ai bien compris le fonctionnement de cette chose...>, dit-il d'un ton moqueur.
Heero se remit immédiatement sur pieds.
- <Ah ! On vise, et on tire, c'est ça ? Ça m'a l'air un jeu d'enfant... Je ne pense pas te rater à cette distance.>
Heero ne lui laissa pas le temps de le vérifier et détala à toute vitesse. Le coup de feu claqua et une vive douleur vrilla son épaule, manquant de le faire tomber. Il se rattrapa en s'appuyant d'une main sur le sol et rétablit son équilibre, s'efforçant de prendre de la vitesse. Il sentit le sang couler, insupportablement chaud, se mélangeant à celui de Kotori.
- <Cours ! J'ai plein d'autres balles !> cria-t-il avant d'éclater de rire. C'était celui qu'il avait cru entendre plus tôt.

Courir, courir, surtout ne pas s'arrêter. L'aboiement d'un chien sûrement jeune car trop aigu le talonnait de prêt.
Bifurquer, zigzaguer, rester à couvert. Dans la faune à l'abandon qui l'environnait, il pourrait se cacher. Mais si le chien les guidait à l'odeur ? Celle métallique de son propre sang lui montait à la tête. Il en perdait trop, s'affaiblissant trop vite. Combien étaient-ils après lui ? Son épaule lui faisait mal, raidissant ses mouvements, rendant plus difficile sa progression. Le cimetière était loin derrière lui, pourtant il sentait encore l'odeur de la mort. Il s'autorisa une courte pause, pour reprendre son souffle et décider de la marche à suivre. Il ne pouvait pas continuer à fuir, cela ne rimait à rien. Mais il était désarmé, blessé, et en infériorité numérique. Pire, il ignorait à combien d'ennemis il devait faire face. Il s'appuya un instant sur une pierre grossière, conscient qu'il ne pouvait se permettre de rester là plus de quelques secondes. Il avait cru pouvoir les affronter dans son rêve, mais il avait eu tort, bien au contraire. Ici, c'était eux qui menaient la danse, lui n'avait aucune prise sur cette réalité. Il devait se réveiller. Il contourna la pierre et écouta. Seul le vent lui répondit. Il avait donc un court repis. Il se força à se calmer, tâchant d'oublier son épaule qui l'élançait. La douleur était si familière qu'il commençait à se demander s'il était bien en train de rêver. Si c'était bien un cauchemar, alors il finirait par se réveiller. Peut-être lorsque la peur atteindrait son paroxysme. Lorsqu'il se retrouverait face à eux, sans plus d'espoir de s'en sortir, alors il ne réveillerait. Le doute lui broya le coeur. Et si jamais ce n'était pas le cas ?
Il prit une forte inspiration. Il avait senti le poids de Kotori sur lui, il pouvait les toucher physiquement. Dans ce cas, il pouvait... Ses pensées furent brutalement interrompues lorsque son attention fut attirée par quelque chose. Il lui semblait apercevoir d'étranges symboles sur la pierre, grossièrement grattés. Il se rapprocha, les effleurant doucement du bout des doigts. Une inscription. Il s'agenouilla et plissa les yeux pour mieux la déchiffrer.
Ch...ang... Wu... Fei...
Ses yeux s'arrondirent. Ce ne pouvait pas être, non.
Il tourna la tête et avisa d'autres pierres. Il ne les avait même pas remarquées. La gorge nouée, il les compta.
Une... deux... trois... Quatre...
Non.
Il s'agenouilla auprès de la seconde, les mains tremblantes, effleurant de nouveau la surface. Trowa... Barton.
Non...
Trébuchant à demi, il passa à la suivante. Quatre R. Winner.
Nonnonnonnonnon.
Il se jeta littéralement sur la dernière, la vue brouillée. Duo Maxwell...
- NON !!!
Il recula, les yeux écarquillés d'horreur.
- Non ! Oh non, pitié, non !
Il se prit le visage dans les mains.
Pas eux, non, pas eux, Kami-sama, je vous en supplie, pas eux.
Son visage lui parut étrange, comme... englué. Lentement, il écarta les mains pour les regarder. Elles étaient couvertes de sang. Leur sang. Il ferma les yeux et le cri déchira sa gorge.
- NOOOOON !!!!

Il était assis sur un sol mou. Avant de savoir quoique ce soit, il sut qu'il se trouvait dans son lit. Les ténèbres l'entouraient, étouffantes. Son souffle était court, sa gorge brûlante, son coeur battait si vite qu'il paraissait être sur le point d'exploser. Frénétiquement, il frotta ses mains sur ses draps, pour les essuyer, fait partir le sang. Une douleur aigüe le saisit à l'épaule, mais il n'y prêta pas attention. Essuyer le sang...
- <Quand comprendras-tu qu'endormi ou éveillé, je te retrouverai toujours ?>
Il releva la tête et le vit comme en plein jour ; pourtant, aucune lumière ne venait éclairer la pièce. Il tenait la petite ensanglantée dans ses bras, et la déposa avec une certaine douceur sur le lit. Heero sentit son poids sur ses jambes. Elle lui lança un regard empreint de douleur et tendit sa petite main tremblante vers lui.
- <Nii-san...>
Le cri monta à ses lèvres sans qu'il s'en rendît compte.
- DUOOOOOO !!!!!

*******

Duo fut brutalement tiré de son sommeil, et cette fois, il ne mit pas une seconde avant de savoir par quoi. Il se leva d'un bond et se rua hors de la pièce, comme la veille. Trowa et Wu Fei surgirent de leur chambre en même temps, et ils échangèrent un regard. Le cri semblait encore résonner dans l'air. Duo fit mine de se diriger vers la chambre d'Heero, lorsqu'il remarqua quelque chose d'anormal. Quatre n'était pas là. Il se retourna vers ses compagnons et ils parurent se comprendre. Il lança un simple regard à Trowa, puis ouvrit la porte d'Heero avant de la refermer derrière lui. Sans plus se poser de question, il poussa l'interrupteur. Trowa saurait parfaitement s'occuper de Quatre.
Le jeune Français pénétra dans la chambre de son ami sans hésitation, après un dernier coup d'oeil au Chinois. Wu Fei resta interdit quelques instants, avant d'aller se chercher une couverture. Il s'installa dans le couloir, et monta la garde, son épée à son côté.
Trowa avisa un bref moment la forme tremblotante et recoquevillée, gisant sur le lit. Des cheveux blonds s'échappaient de sous la couverture et des gémissements s'élevaient par intermittence. En s'approchant doucement, il put entendre la voix de l'Arabe supplier et implorer son Dieu. Trowa serra les poings, enrageant de le voir réduit à cet état par un simple cauchemar. Et ce n'était même pas le sien.
Délicatement, il le prit dans ses bras et le berça comme un enfant...

*******

- <Nii-san...>
- Non... n'approche pas...
- <J'ai mal...>
- <Alors, dis-moi, as-tu apprécié la petite ballade ?>
- <Pourquoi...>
- <Et que penses-tu de ton retour à la réalité... ?>
Elle sanglota, rampant vers lui. Il tenta de reculer mais le mur derrière lui l'en empêcha.
- <Et tu n'as encore rien vu !> fit-il, l'ombre un sourire mauvais effleurant ses lèvres pâles.
- <Pourquoi tu me fais du mal ?>
- <Je crois qu'elle arrive à bout, tu sais...>
- <J'ai tellement mal, pourquoi Nii-san ?>
- <Elle réclame vengence>, ajouta-t-il en caressant les cheveux roux et englués de sang, dans air protecteur. <C'est mon devoir de la venger. De nous venger tous.>
- Allez... allez vous en...
Un vif éclair lui fit mal aux yeux.
- <Sans même t'avoir révélé ta grande surprise ?>
- Pitié...
- <Pas de pitié pour toi>, souffla-t-il en se penchant vers lui. La petite reposait à présent contre son torse, elle semblait si lourde, et le sang transperçant les draps, coulait sur lui. <Tu sais... tes amis...>, poursuivit-il d'un air prédateur, <tes si chers amis...>
- Non ! Nooon !
Des bras le saisirent brutalement par les épaules, lui arrachant un cri de douleur et de peur mêlées, et le secouèrent sans ménagement. Un coup à la joue lui fit tourner la tête. Ses oreilles bourdonnèrent alors qu'il perdit un instant ses repères.

*******

Aussitôt entré, Duo se dirigea vers le lit. Heero fixait le vide d'un air terrorisé et implorant, et cela faisait mal de le voir ainsi. Duo sauta sur le lit, le faisant plier sous son poids. Il se moquait bien de ce que le Japonais pourrait en penser plus tard, il voulait au plus vite le sortir de son cauchemar.
Sans aucun ménagement, il le saisit par les épaules et le secoua. Mais le regard d'Heero demeurait vide.
Il n'arrive pas à s'en sortir...
Il le giffla violemment. C'était la deuxième fois en deux jours qu'il le frappait ; il n'aurait jamais pensé pouvoir le faire et s'en sortir vivant...
- Heero ! Réveille-toi mon vieux ! C'est moi !
Le Japonais tourna la tête vers lui et le fixa. Il mit un moment avant de le reconnaître, et contrairement à ce à quoi Duo s'attendait, ses yeux s'agrandirent d'horreur.
- Non ! Pas toi ! Pas toi aussi !
- Heero ?
- Pas toi aussi, hoqueta-t-il.
Un éclair de compréhension traversa Duo.
- Je ne suis pas un fantôme, Heero ! Je suis réel ! Je suis le seul réel ici avec toi ! Les autres n'existent pas, reviens ! Reviens !!
- Nooooon...
Ses mains s'agripèrent désespérement à son T-shirt, alors qu'il posa sa tête contre le torse de Duo.
- Pardon Duo pardon...
L'Américain le repoussa brutalement et le secoua de toutes ses forces, élevant la voix. Il le lui crierait jusqu'à ce qu'il l'atteigne.
- Je suis réel Heero ! Les autres ne sont pas vrais ! REVIENS !!
Il le tira à lui et le serra fort contre lui.
- Reviens, souffla-t-il. S'il te plait.
Heero parut vouloir se débattre un instant, mais il le maintint fermement.
- Reviens...
Heero devint soudainement mou dans ses bras. Duo l'écarta doucement et lui prit le visage entre ses mains.
- Regarde-moi, regarde-moi Heero, c'est moi, je suis réel, je suis là, tu vois ?
- Duo... ?
- Oui... Tu m'as appelé et je suis venu...
- Vi...vant ?
- Oui, je suis vivant Heero, je suis vivant, nom de Dieu ! Réveille-toi...
Les yeux cobalt se fermèrent et il éclata en sanglot. Duo le reprit contre lui, lui caressant avec douceur les cheveux, en lui murmurant des mots.
- Ça va aller mon vieux, c'est fini, là, c'est bon, ils ne te feront pas de mal, je ne les laisserai pas te faire de mal...
Il lui frotta vigoureusement le dos. Il n'avait pas eu à faire ces gestes depuis longtemps, mais il savait qu'ils procuraient un étrange réconfort.
Progressivement, les larmes d'Heero se tarirent. C'était la première fois qu'il le voyait pleurer. La veille, il avait bien vu des traces de larmes sur les joues de son ami, mais il n'avait pas pleuré ouvertement devant lui. Il appréhenda un peu la réaction qu'aurait Heero le lendemain, lorsqu'il aurait totalement reprit ses esprits, puis il chassa cette pensée. Ce n'était pas le moment de se soucier de cela.
Il s'installa plus confortablement, calant Heero contre lui, sans cesser de le frictionner. Le Japonais avait encore des sortes de spasmes tremblotants.
- Là, chhht... Ça va mieux ? Heero...
Il sentit un faible inquiescement.
- Non, réponds moi. Ça va mieux ?
- ...
- ...
- Haï... Ce ne fut qu'un murmure.
Duo se redressa à demi et le força à le regarder.
- Ils sont encore là ? Je ne les laisserai pas te faire de mal, Heero, je te le jure, dis-moi juste s'ils... sont toujours là...
Heero lui lança un regard désemparé et lentement, très lentement, parcourut la pièce des yeux. A son attitude, Duo devina que les fantômes étaient partis. Il fut d'avantage surpris lorsqu'il sentit Heero s'arracher à son étreinte et commencer à examiner avec insistance les draps, passant et repassant ses mains dessus, comme s'il s'attendait à y trouver quelque chose.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Il ne lui répondit pas ; peut-être ne l'avait-il même pas entendu. Duo prit de nouveau son visage entre ses mains et plongea ses yeux dans les siens.
- Qu'est-ce que tu cherches ?
- ... Le sang...
La réponse le déstabilisa un instant mais il se reprit rapidement, usant de la voix la plus douce qu'il put.
- Il n'y a pas de sang, Heero. Nulle part.
Heero leva lentement ses mains vers son visage, mais Duo les lui rabaissa.
- Pas de sang Heero, ce n'était qu'un rêve. Rien de ce que tu as vu n'était vrai.
La lèvre inférieure d'Heero trembla un instant, mais il parvint à se maîtriser en prenant une grande inspiration.
Bien. Le Soldat Parfait revient. Je n'aurais jamais cru pouvoir en être heureux un jour...
Duo lui décolla avec douceur une mèche collée par la sueur sur son front.
- Ne... me regarde pas comme ça...
- Comme quoi ? répliqua-t-il avec bienveillance.
- Comme ça. Avec pitié, fit-il d'un ton un peu dur.
Définivement de retour..., pensa-t-il avec un sourire.
- Ce n'est pas de la pitié, c'est de la compassion, Hee-chan...
- Ne m'appelle pas comme ça.
- Ah ! Tu ne vas quand même pas te mettre à me faire ton Wuffy, hein ! se moqua-t-il gentiment en décollant une autre mèche. Heero le fusilla du regard... mais le laissa faire.
- Le "chan", c'est pour les enfants..., tenta-t-il.
- Je sais. Le sourire s'accentua. Ça te gène, Hee-chan ?
- Oui.
- Vraiment vraiment ?
- Oui ! répliqua-t-il, en se demandant soudainement s'il ne venait pas de commettre une énorme erreur. Le sourire s'élargit encore, devenant plus moqueur. Il lui envoya son regard noir, mais sentit qu'il manquait de crédibilité.
- Tu veux une histoire pour te rendormir, Hee-chan ?
Une réponse instinctive d'autodéfense lui vint, mais il préféra prendre l'Américain à contre-pied.
- Je veux bien.
Le sourire disparut, remplaçé par la surprise. Touché ; il ne s'était pas attendu à cette réponse. Mais Heero n'avait lui non plus pas prévu l'air peiné que prit alors Duo.
- Je suis désolé, Hee-chan, murmura-t-il, en fait, je n'en connais pas...
Heero ouvrit la bouche pour lui dire que ça n'avait aucune importance, il ne voulait pas d'histoire, il n'avait pas voulu lui faire de peine, il avait simplement voulu lui retourner ses moqueries, mais Duo ne lui en laissa pas le temps.
- ... je ne connais pas de contes de fée, mais je peux te raconter une autre histoire, si tu veux.
Heero ne sut exactement ce qui lui fit hocher la tête. Peut-être l'incertitude qui troublait légèrement l'éclat des yeux violacés. Duo le regarda quelques secondes, semblant hésiter à se lancer, puis tapota le matelas à côté de lui. Heero hésita lui aussi, ne sachant pas trop à quoi s'attendre. Après tout, peut-être s'agissait-il encore d'une nouvelle blague de l'Américain ? Il se décida finalement, et prit place. Duo tira les couvertures et les rabattit sur eux, il commençait à avoir froid aux pieds. Il ne savait pas pourquoi il avait dit ça. Il ne savait pas pourquoi il le faisait. Il en avait simplement eu brusquement envie. Partager un peu plus. Lui donner une prise sur lui, puisqu'il semblait se perdre. Puisque Heero acceptait de l'écouter, il lui raconterait.
Il lui raconterait sa vie...

*******

- ... J'ai alors alors fini par atterrir à l'église Maxwell, avec un tas d'autres gosses...
- Maxwell...
- Oui...
- L'église... la tragédie de l'église Maxwell...
- Ouaip, celle-là même !
Heero eut un frisson involontaire.
- Tu as froid ? s'enquit Duo en réarrangeant les couvertures.
- Non...
- ... Enfin bref, c'est à ce moment là que j'ai décidé qu'il me fallait définivement un prénom. J'ai pas cherché longtemps.
- Duo...
- Oui... Pour rester avec Solo. Pour tenir notre promesse de toujours rester ensemble. A chaque fois qu'on prononce mon nom, c'est un peu lui qui répond... Tu trouves ça ridicule ?
- Non...
Lui non plus n'avait pas de nom, mais Duo avait choisi le sien, se définissant ainsi aux yeux du monde et à lui-même. Lui, on lui avait donné un nom de code, pas vraiment un nom en soit, plutôt une signature. Il portait le nom d'un mort, de celui qu'on l'avait envoyé venger, celui dont il devait achever l'oeuvre en libérant les colonies.
- Non, pas du tout. Duo... est qui tu es...
L'Américain lui pressa l'épaule, plus touché qu'il n'aurait consenti à l'admettre. Ce fut d'une voix imperceptiblement altérée qu'il poursuivit son récit.
- Le père Maxwell était plutôt cool, pour un prêtre ; pas du genre saoulant, tu vois ? Soeur Helen était un ange sur Terre. Quatre a des côtés qui me font un peu penser à elle, parfois. Sa manie de toujours s'inquiéter pour les autres, tu sais... Enfin, c'est pas vraiment la même chose, bien sûr, mais quand même, ils se ressemblent...
Heero laissa Duo se perdre un instant dans ses souvenirs.
- Les autres enfants ont tous été casés dans des familles d'accueil plus ou moins rapidement. Sauf moi ! Hey ! Faut croire que je devais déjà être insupportable à l'époque, pour que personne ne veuille de moi ! fit-il en riant. J'arrêtais pas de me battre, aussi, faut dire. Jamais été du genre à me laisser marcher sur les pieds ! Finalement, on a fini par se retrouver que tous les trois, le père Maxwell, Soeur Helen et moi. C'est elle qui m'a natté les cheveux parce que je refusais qu'elle me les coupe, tu sais ? La vie était pas si mal, à l'époque... Je suppose qu'on ne profite jamais assez des bons moments...
   Les hommes étant ce qu'ils sont, la guerre a fini par arriver, et bla bla bla. Les rebelles s'étaient plus ou moins réfugiés dans l'église, ils ne voulaient pas partir et nous laisser tranquilles. Ils disaient qu'avec une armure mobile, leurs problèmes seraient résolus, ces crétins. Comme s'il suffisait d'avoir l'armure ! Je leur ai dit que j'en volerais une pour eux, à condition qu'ils partent ensuite. Je crois qu'ils ne me prenaient pas au sérieux, mais ça n'a pas tellement changé depuis, j'ai l'habitude. Je cours, je me cache, mais je ne mens jamais. Je la leur ai donnée, leur foutue armure, pour le bien que ça leur a fait ! Mais quand je suis retourné à l'église... Enfin ! s'exclama-t-il d'un ton un brin enjoué, tu connais la suite !
   J'ai complété mon patronyme et j'ai pas mal bourlingué, ici et là. Cette partie de l'histoire est pas super intéressante, je la saute si tu permets. Finalement, j'ai fini par aller faire un tour sur un vaisseau. C'était plutôt chaud, comme endroit, pas facile d'entrer. En plus, je me suis fait choper avant de pouvoir chourer des trucs sympa, mais bon, comme c'est comme ça que j'ai rencontré G et que je suis devenu le pilote de Deathscythe, ça a plutôt pas trop mal tourné pour moi. De toute façon, Deathscythe m'était destiné, y'a pas, il était fait pour moi ! Ensuite, entraînement, je te fais pas de dessin, encore qu'un de ces quatre, je serais curieux de comparer les différentes méthodes de nos chers Mads Five ! Quoique peut-être pas celle de J en fait, tu m'excuseras, mais elle a pas l'air d'être super fun, dans son genre...
   Arf ! mais qu'est-ce que je raconte moi, c'est pas terrible comme histoire pour se rendormir hein ! Gomen nasaï ! Comment tu trouves mon accent ?
Heero mis un petit moment avant d'assimiler les brusques changements de sujet et de réaliser que le long monologue s'était achevé par une question.
- Déplorable...
- T'es méchant, Hee-han !
Il poussa un soupir las.
- Ne m'appelle pas comme ça...
- Mais tu me fais une crise de Wuffyïte aigüe ou quoi ??
- Hn !
- Waaaah ! Bah moi, j'suis crevé ! J'préfère pas savoir quelle heure il est, tiens ! T'as pas de réveil ?
- Pas besoin...
- T'es vraiment pas humain, moi si j'ai pas de... Ooh ! Pardon, je suis désolé, c'est pas ce que je voulais dire...
Bon sang mais quel crétin ! C'est vraiment pas le moment de plaisanter avec ça avec lui !
Mais Heero eut un coin de lèvre qui se recourba.
- Heero... Je rêve ou c'est un essai de sourire que tu me fais là ?
Heero se renfrogna immédiatement.
- Hn.
Et Duo Maxwell en remet une couche ! Applaudissez bien fort, Mesdames et Messieurs ! Pitié mais faites-moi taire !!
- Euh, bon, faudrait p'être dormir, tu crois pas ?
- C'est le matin.
- Ah ?
J'ai parlé toute la nuit ?
- Pas dodo alors ?
- Dors si tu veux...
Les yeux de Duo s'agrandirent comme des soucoupes. Heero se leva sans se presser et se dirigea vers la salle de bain.
- ... tu as cinq minutes.
- Je me disais aussi, c'était trop beau ! Méchant Hee-chan !
- Hn.
Et cette fois, le sourire d'Heero fut plus prononcé...

*******

Duo attendit d'entendre l'eau couler pour se lever. L'idée qu'il venait d'avoir lui paraissait plutôt bonne, bien qu'un peu dangereuse peut-être. Dans tous les cas, il allait avoir besoin d'un petit coup de main. Il se leva silencieusement et sortit dans le couloir. Il entendit du bruit en provenance de la cuisine, quelqu'un s'affairait probablement à préparer le petit déjeuner. Il avait faim mais avait quelque chose à faire avant.
Il poussa doucement la porte de la chambre de Quatre et passa la tête à l'intérieur.
Bingo !
Trowa avait rapproché un fauteuil du lit de Quatre et semblait l'avoir éveillé toute la nuit. Le visage du petit blond était serein et étendu. Trowa avait fini par s'assoupir à son tour. C'était donc Wu Fei, dans la cuisine...
Il s'approcha doucement du Français, en accentuant cependant ses pas afin de ne pas le surprendre. Trowa ouvrit un oeil parfaitement réveillé lorsque Duo se trouva à cinq pas de lui. Ils se saluèrent de la tête avant que Duo ne lui fasse signe de le suivre. Trowa jeta un coup d'oeil à Quatre, puis le suivit dans le couloir. Duo se dirigea dans sa chambre, dont il referma la porte derrière eux.
- J'aurais besoin d'un petit service, Tro-man...

*******

- Y'a quoi au menu ce matin, Wuffychou ?
Le bruit métallique d'un couvert qu'on pose brutalement tinta.
- Ne m'appelle pas comme çaaaaa, gronda-t-il le Chinois en retour.
Duo se contenta d'humer l'air et de se rapprocher.
- Du riz au p'tit dej ? Euh, t'es sûr là ?
- Je ne t'ai jamais entendu te plaindre lorsqu'il s'agissait d'un reste de pizza...
- Hey mec ! Ne plaisante pas avec ça ! Une pizza, c'est sacré !
Wu Fei soupira, l'Américain l'épuisait déjà, et la nuit de veille qu'il avait passé dans le couloir n'allait pas l'aider à le supporter.
- Dis donc, Chang-Chang, je rêve où t'as des cernes ? A quoi t'as passé la nuit, toi ?
Wu Fei 'groumfa'.
- Hum ?
- Monté la garde...
Duo le regarda, surpris.
- Comment ça ?
- Tu pensais que j'allais simplement aller me recoucher ou quoi ?
L'expression de Duo se fit plus sérieuse et il garda le silence un moment. Wu Fei se tendit ; en fin de compte, il n'aimait pas voir Duo silencieux, ça n'augurait jamais rien de bon. Lentement, Duo leva la main vers lui et Wu Fei dut faire un effort pour maîtriser son reflexe de reculer. Il le regretta aussitôt, lorsqu'il sentit Duo lui tapoter le haut du crâne, un sourire chaleureux flottant sur ses lèvres.
- Fais moi goûter ton riz, Wu Fei...
Pour une fois, il ne se moquait pas de lui le fait qu'il ait utilisé son vrai patronyme était une preuve supplémentaire, s'il en fallait. C'était sa façon à lui de lui montrer qu'il lui était reconnaissant. Wu Fei n'apprécia pas le geste en lui-même mais comprit l'intention. Aussi décida-t-il de passer l'éponge. Pour cette fois.
- Assieds toi.
- Dis, tu m'apprends à tenir des baguettes ?
- Hum...

Trowa entra peu après dans la petite cuisine et s'attabla en silence, après avoir salué Wu Fei d'un mouvement du menton. Le Chinois s'inclina légèrement. Duo les regarda faire, souriant légèrement. Il ne savait pas pourquoi, mais il lui semblait qu'ils se rapprochaient un peu plus les uns des autres... Duo reprit alors son monologue, il avait une réputation à tenir après tout...