Disclaimer : Presque tout ce qui constitue cette histoire ne m’appartient pas…enfin sauf l’histoire en elle-même et un ou deux persos, tout le reste c’est à la gloire des créateurs initiaux de Gundam Wing et on s’incline bien bas s’il vous plaît !

 

Note de l’auteur : Celui-là, c’est mon petit protégé ! J’espère qu’il vous plaira autant que j’ai eu de plaisir à l’écrire ^^

 

 

IL N’Y A QUE LE CŒUR QUI VOIT BIEN

 

 

 

La première réunion fut rapidement terminée, écourtée par l’intervention de Dorothy. Il fut décidé d’un commun accord qu’ils se réuniraient à nouveau dans les prochains jours.

La princesse se retira du conseil et se dirigea vers son bureau afin de prendre les dispositions nécessaires pour loger ses invités sur une plus longue durée. Dès que ce problème fut réglé, Iria fit entrer la jeune fille qui avait fait irruption au conseil. Elle pénétra dans son bureau suivit de Quatre et Heero, mais toute son attention était fixée sur Dorothy. Elle ne l’aimait pas, et ce depuis qu’elle l’avait vue tourner autour de Relena durant la Grande Guerre, ce ressentiment à son égard s’était d’autant plus accentué depuis le jour où elle avait appris qu’elle avait combattu aux côtés du Lotus Blanc et qu’elle avait blessé Quatre alors qu’il tentait de détruire le système de contrôle des robots mobiles.

-Pourquoi êtes-vous ici Melle Catalonia ? tenta-t-elle de dire le plus posément possible, son ton restant cependant des plus sec.

La jeune fille lui sourit et s’inclina respectueusement.

-Pour vous servir Melle Raunber, où devrais-je dire maintenant Melle Peacecraft ?

Iria se crispa et dût se retenir pour ne pas lui sauter à la gorge. Comment pouvait-elle se permettre de sourire en faisait clairement allusion à la mort de Relena ! La princesse se contint cependant. Elle fit doucement le tour de son bureau et s’approcha jusqu’à se trouver pratiquement au corps à corps avec la jeune fille. Elle la fixa de ses yeux verts qui avaient presque viré au noir et dit d’un ton parfaitement calme.

-Je ne vous aime pas Dorothy, je ne vous ai jamais aimé et tout ce que vous avez pu accomplir par le passé me répugne.

L’expression faussement douce et assurée de la jeune fille sembla vaciller face aux paroles des plus inattendues de la princesse.

-Quittez mon royaume et je vous souhaite sincèrement que l’on ne se rencontre plus jamais à l’avenir, dit-elle très lentement, pesant dans chacun de ses mots la colère qui brûlait en elle.

Le regard de Dorothy vola alors en éclats face à la dureté d’Iria, et son visage se figea dans une expression de douleur.

-Oh Mademoiselle ! Si vous saviez comme je m’en veux ! Si vous saviez comme je regrette tout ce que j’ai accompli par le passé ! prononça-t-elle d’une voix brisée en saisissant la main de la princesse.

Les traits d’Iria, tirés par la colère, se détendirent soudain dans une expression de surprise. Elle resta sans voix face à la jeune fille, comme si elle venait tout à coup de se trouver devant une autre personne.

-Princesse ! Vous allez bien ? s’enquit Dorothy, l’air vraiment inquiète.

Iria retira sa main et recula d’un pas, le regard troublé.

-Qu’est-ce que… mais qui êtes-vous ?

Les pilotes étaient jusque là restés en retrait, laissant Iria faire « connaissance » d’elle-même avec Dorothy.

Quatre décida cependant qu’il était temps d’intervenir. Il s’approcha doucement de la princesse, la frôlant insensiblement.

-Iria, Dorothy n’est pas la personne que tu crois.

La jeune fille cilla et se tourna vers le petit blond au regard si tendre.

-Quatre ?

Le jeune homme lui sourit doucement, l’encourageant à apaiser sa colère et à accepter de parler à Dorothy. Iria soupira, visiblement, elle allait devoir faire des concessions. Elle se tourna à nouveau vers la fille aux longs cheveux dorés et son regard se fit un peu moins dur, mais toujours aussi impénétrable.

-Pourquoi êtes vous ici, Melle Dorothy ? répéta-t-elle la question.

-Je suis ici parce que je souhaite moi aussi plus que tout au monde préserver la paix et parce que M.Yuy m’a demandée de venir veiller sur vous.

Iria fut surprise par cette déclaration, mais toute son attention resta concentrée sur son interlocutrice.

Ses yeux bleus étaient d’une telle clarté que l’expression de son regard en devenait imperceptible, et ses longs sourcils appuyaient cette apparence machiavélique qu’elle avait toujours trouvée à Dorothy. La petite fille du Duc Dermail l’intriguait, elle l’avait toujours intriguée et Iria n’avait jamais compris comment Relena avait pu lui accorder sa confiance.

-Très bien, finit-elle par dire, Melle Catalonia, je vous invite à vous installer au palais pour cette nuit, nous aurons ainsi l’occasion de parler plus posément de votre proposition.

Le visage de la jeune fille se détendit dans un léger sourire et elle s’inclina.

-Je vous remercie, mais je vous en prie, appelez-moi Dorothy.

A nouveau la princesse se crispa.

-Veuillez me laisser seule, s’il vous plaît, dit-elle d’un ton neutre, et vous aussi, ajouta-t-elle en se tournant vers les pilotes.

-Iria…

-Quatre, j’ai du travail… se justifia-t-elle d’une voix chevrotante en se dirigeant derrière son bureau tout en prenant soin d’éviter son regard.

-Très bien… dit-il tristement.

Et il se retira à son tour.

 

La jeune fille se laissa tomber dans son fauteuil et se prit la tête dans les mains.

Comment ? Comment avaient-ils pu faire ça sans lui en parler avant ? Elle se sentait tellement seule dans son combat, comme si un énorme gouffre la séparait des autres protagonistes. Finalement personne ne la comprenait, et ils avaient tous si peur qu’elle échoue. Elle pensait pourtant qu’Heero croyait en elle, bien plus que les autres, et ça l’avait aidée à avancer. Relena lui avait si souvent répété qu’il l’avait aidée à trouver sa voie… Mais voilà qu’il la trahissait en invitant Dorothy au royaume de Sank… finalement lui non plus n’avait pas confiance en elle…

Une première larme vola en éclat contre le bois d’acajou du bureau. La jeune princesse tenta de résister aux flots qui menaçaient de briser la digue mais elle finit par céder et se laissa submerger par le déferlement d’émotions qu’elle avait refoulé durant ces derniers jours.

-… je continuerais… je continuerais à me battre… et j’y arriverai… je ne te laisserais pas tomber Relena… articula-t-elle entre ses sanglots, les yeux brillants d’une détermination ineffable.

 

*****************************

 

Duo sentit que Relena commençait à faiblir.

-C’est bien princesse ! lui dit-il dans un sourire, on va s’arrêter là pour aujourd’hui.

Le jeune homme lui enserra la taille pour lui donner un point d’appui supplémentaire et la conduisit doucement jusqu’à son lit. Relena s’assit et se recoucha d’elle-même.

-Merci, fit-elle doucement lorsque le pilote lui ramena ses couvertures.

-Je t’en prie, répondit le natté en plongeant ses yeux dans ceux de la princesse.

Il restèrent quelques instants à s’observer et Duo détourna le regard avant que la pression ne devienne trop forte pour la jeune fille et qu’elle se sente mal à l’aise. Il lui sourit une dernière fois et lui déposa un baiser sur le front.

-Je dois y aller, je repasserais te voir dans la soirée.

-Ne te sens pas obligé…

-Mais pas du tout, protesta-t-il, et tu sais pourquoi ? Parce qu’à chaque fois que je te vois sourire, j’ai le sentiment que j’ai réussi à accomplir quelque chose de bien dans ma journée.

Relena fut touchée par sa déclaration, Duo était tellement compréhensif et attentionné.

-Je suis contente d’avoir eu l’occasion de mieux te connaître Duo. Tu es quelqu’un d’extraordinaire et c’est pour cela que tu n’as pas à t’inquiéter, celle qui te donne à présent la force et la volonté de vivre ne te fera jamais défaut.

Le visage du jeune homme s’arrondit et ses lèvres formèrent un « o » silencieux.

-Hilde ! Mais comment tu as… ? !

Relena sourit.

-Alors c’était donc Hilde…je m’en doutais un peu. C’est quelqu’un de vraiment très bien pour le peu que j’ai aperçu d’elle.

Elle releva la tête vers le pilote et son sourire se fit plus doux.

-A chaque fois que tu me regardes, il y a une pointe de nostalgie dans tes yeux. Tu es amoureux Duo, lui dit-elle tendrement.

Le jeune homme se sentit gêné par la découverte de Relena, ses joues rosirent légèrement et il se passa une main dans les cheveux.

-On ne peut rien te cacher à toi !

Le sourire de la princesse s’accentua devant sa gêne, c’était tellement inhabituel de le voir dans cette situation. Et puis elle était heureuse, heureuse que Duo ait enfin eu le droit à un peu de bonheur, il le méritait vraiment.

 

Le pilote sortit de la chambre, pensif.

Relena est vraiment quelqu’un de surprenant. Elle doit être dotée d’une grande sensibilité pour arriver à cerner les gens aussi bien…mais cela signifie aussi que tout ce qui lui arrive doit l’affecter encore plus…

Le cœur du jeune homme se serra. Relena allait mieux physiquement parlant, mais au point de vue psychologique…Bien sûr, elle acceptait à présent de manger, de marcher, et même de rire des pitreries de Duo, mais son regard restait éteint. Quelque chose la rongeait de l’intérieur, un mal qu’elle voulait garder caché au plus profond d’elle-même. Elle faisait des cauchemars, il l’avait surprise plus d’une fois trempée et encore secouée de tremblements. Mais la princesse cherchait à dissimuler ses faiblesses et dès qu’il essayait d’en savoir davantage sur ce qui l’effrayait autant, elle se renfermait. Alors Duo avait fini par cesser de chercher à comprendre, de toute manière c’était à Relena de le lui dire et il ne pouvait pas l’obliger à lui faire confiance…

Si seulement Heero était là, je suis sûr qu’il pourrait l’aider…Le jeune homme secoua la tête…Pas la peine de se faire d’illusions, si Relena lui a demandé de partir, il refusera de revenir à ma demande…Le natté poussa un profond soupir…ce qu’ils peuvent être stupides ces deux là !

 

C’est plongé dans ses réflexions qu’il arriva jusqu’à la salle de séjour où l’attendaient les deux pilotes, Sally ainsi que Raschid et sa femme qui devaient dîner avec eux ce soir.

Ils s’installèrent et le repas fut servi. La conversation commença sur fond de guerre que préparait les épyons terros, mais le sujet dériva vite sur l’état de santé de l’ex-ministre.

-A ce propos, comment va la jeune princesse ? demanda le chef des Maganac.

Le jeune homme à la natte ne put s’empêcher de soupirer à cette question.

-Elle se remet doucement…et à moitié.

Raschid haussa les sourcils devant cette réponse évasive.

-Ce qu’il veut dire, coupa Wufei d’un air agacé avant que Duo n’ait pu continuer, c’est qu’elle a été traumatisée par ce qui lui est arrivée et que maintenant elle n’est plus qu’une jolie poupée bonne à poser sur une étagère.

Le chinois s’attira un regard noir de Duo et réprobateur de Trowa, ce qui l’irrita davantage. Qu’est ce qui leur prenait à tous de vouloir encore la sauver ? Pour sa part, il n’avait jamais cru en Relena, il ne l’aimait pas. Il haïssait ce genre de femme qui pensait pouvoir changer le cour des choses à elle toute seule. Qu’est ce qu’elle croyait, elle se prenait pour une divinité ou quoi ? Ce qui lui était arrivé était inévitable, un jour ou l’autre elle l’aurait payé, et encore, elle s’en sortait plutôt bien. Alors qu’ils cessent d’en faire toute une histoire, Relena était faible et stupide, un point c’est tout.

-Il y a vraiment des fois où je me demande s’il n’y a pas un immense trou noir à la place de ton cœur Wufei… le réprimanda Duo d’une voix triste et posée.

Le regard noir du pilote se figea face au ton employé par le natté. Duo vit bien dans ses yeux qu’il l’avait blessé, mais Wufei devait cesser d’être aussi dur avec les autres et avec lui-même… Le chinois ferma alors les yeux et détourna la tête, signe qu’à partir de maintenant il n’interviendrait plus dans cette conversation.

-C’est le moral qui lui fait défaut, repris alors le jeune homme à la natte, c’est comme s’il n’y avait plus rien qui la motivait pour aller de l’avant…

-Nous avons tous au fin fond de notre être un moyen de réveiller le feu endormi, dit une petite voix.

Tous se tournèrent vers la compagne de Raschid.

-Que veux-tu dire Assia ?

La femme d’une trentaine d’années, au teint mat et aux yeux noirs emplis de douceur releva alors la tête.

-Il y a des choses dans la vie qui paraissent insignifiantes aux regards des autres, mais qui ont pour nous une grande importance. Ce sont ces choses là qui ravivent le courage et la détermination qui viennent parfois à nous manquer. On ne voit jamais les étincelles, mais seulement le feu qui en découle. Il vous faut trouver une étincelle qui réveillera la chaleur dans le cœur de votre amie.

Moi j’en connais une d’étincelle, elle s’appelle Heero Yuy ! Maxwell…se sermonna-t-il, arrêtes de faire une fixation là-dessus, il va te falloir en trouver une autre…

-Mais comment faire ? demanda Sally. Comment déclencher un événement dont nous ignorons toute logique ?

-Vous pourriez par exemple commencer par l’amener à faire quelque chose qu’elle apprécie.

-Le problème, c’est que nous la connaissons très peu… remarqua Trowa.

-Je sais qu’elle aime sortir à l’extérieur, j’ai l’impression que ça l’apaise de se retrouver à l’air libre…

S’en suivit un long silence, chacun cherchant à trouver ce que la jeune fille pouvait bien aimer.

-Attendez… dit Raschid. Je crois me souvenir que maître Quatre m’avait dit qu’elle possédait des chevaux…

-C’est exact, confirma Sally, comment n’y ais-je pas pensée plus tôt ! dit-elle d’un ton soudainement enjoué.

-Relena y est très attachée. Je me souviens que lorsque je me rendais chez les Darlian, je la trouvais souvent auprès de ses animaux, ajouta-t-elle alors face aux regards interrogateurs des convives.

-Nous avons un haras à Al-jirma, juste derrière la résidence. Il est géré par un de mes hommes, pourquoi ne pas le faire visiter à Melle Peacecraft ?

-C’est une excellente idée !… On peut l’emmener, hein ? demanda-t-il prudemment en se tournant vers la doctoresse.

-Oui Duo, et puis ça ne lui fera pas de mal de changer un peu d’environnement.

-Bien, alors disons demain en fin d’après midi ? proposa le chef des Maganac.

La discussion fut close et le repas se termina dans une atmosphère plus détendue. La conversation se détourna rapidement des événements importants et Raschid ainsi qu’Assia partirent bientôt dans une description des us et coutumes de la région, donnant une ambiance bonne enfant à la soirée.

 

*****************************

 

Iria et ses invités rejoignirent le palais en début de soirée. Ils arrivèrent au moment où le soleil se couchait.

-Oh mon dieu ! Mais c’est magnifique ! Je ne pensais pas qu’il puisse il y avoir telle merveille au mooonde ! s’exclama Dorothy, les mains jointes contre la poitrine et le regard tournant à 360 degrés.

La princesse retint un soupir.

-Dave, je vous laisse indiquer ses appartements à Melle Catalonia, dit-elle d’une voix lasse tout en se dirigeant vers le palais.

-Mademoiselle, si je puis me permettre, vous devriez prendre du repos ce soir, vous avez l’air si fatigué…

Iria se retourna vers son majordome et lui adressa un sourire. Il était peut être parfois maladroit et très à cheval sur le protocole, mais dans le fond elle l’aimait bien.

-Merci Dave, mais occupez-vous plutôt de notre invité, lui dit-elle en le fixant de ses yeux émeraude.

L’homme comprit aussitôt le sens de sa demande.

-Comptez sur moi princesse, répondit-il en s’inclinant.

Elle lui sourit une dernière fois et rentra dans le bâtiment.

 

La mine de Quatre n’avait cessé de s’assombrir ces dernières heures. Il culpabilisait terriblement de ne pas avoir averti Iria de l’arrivée de Dorothy et il sentait que la jeune fille leur échappait, elle se renfermait dans son univers, il avait tellement peur pour elle…

-Vas la voir.

Le jeune blond sursauta et se tourna vers son ami.

-Excuses-moi Heero, qu’est-ce que tu disais ?

-Ça fait cinq minutes que tu remues ta cuillère dans ta tasse sans même t’en rendre compte. Vas la voir Quatre, il faut que quelqu’un aille s’expliquer avec elle.

-C’est toi qui as eu l’idée d’inviter Dorothy, c’est à toi d’aller lui parler, répliqua-t-il, légèrement sur la défensive.

Heero sourit intérieurement à son attitude, se rendait-il seulement compte qu’il se comportait de façon vraiment étrange depuis quelques jours ?

-Quatre, cesses donc de te voiler la face, tu es mort d’inquiétude, alors vas la voir.

Le petit blond sembla soudainement revenir à la réalité, son regard vague s’illumina et il se releva.

-Tu as raison, dit-il en se dirigeant vers la porte.

Dès que le pilote fut sorti, Heero se leva et alla terminer son thé sur le balcon de sa chambre, perdu lui aussi dans ses pensées.

 

Le jeune homme frappa contre la porte et le visage de la princesse s’obscurcit.

-Qui est ce ?

-C’est Quatre, Iria, je t’en prie, laisses-moi entrer, demanda-t-il d’une voix inquiète.

La jeune fille soupira.

-Vas lui ouvrir ma chérie.

Iria se redressa devant le communicateur.

-Mais je n’ai pas envie de le voir !

Un tendre sourire se dessina sur le visage retranscrit à l’écran.

-Il est la cause de ta tristesse n’est ce pas ? Tu devrais aller lui parler, s’enfermer dans sa souffrance n’est jamais une solution.

Le regard de la jeune fille se fit plus triste pour se durcir aussitôt.

-Je vais lui ouvrir, de toute manière je ne pourrais pas l’éviter éternellement.

-Surtout gardes confiance en toi, c’est très important ma fille.

-Je sais. Ne t’inquiètes pas, ça va aller, lui dit-elle en lui adressant un sourire rassurant.

-Fais attention à toi.

-C’est promis. Je t’aime maman.

-Moi aussi ma chérie. Vas vite ou ce jeune homme va finir par se décourager.

Mais la princesse ne releva même pas la dernière remarque de sa mère puisqu’elle se dirigeait déjà vers la porte.

 

Quatre commençait à se dire qu’il n’y avait plus aucune chance qu’elle lui ouvre.

-Iria, écoutes je…

A ce moment là, la serrure émit un grincement et la jeune fille apparut.

-Entres, dit-elle en se décalant pour le laisser passer.

Le pilote lui offrit un pâle sourire et s’exécuta. Iria se dirigea vers la baie vitrée et éteignit en passant le communicateur.

-Je t’ai dérangée ?

-Ce n’est rien Quatre, dit-elle d’une voix absente, s’accoudant contre la balustrade.

Face à l’attitude de la jeune fille son regard se fit encore un peu plus concerné. Il s’avança à sa hauteur.

-Je suis désolé de ne pas t’avoir prévenue que Dorothy viendrait au royaume.

Iria serra ses poings qui commençaient à trembloter et prit quelques secondes pour répondre.

-Ce…n’est rien Quatre…prononça-t-elle d’une voix atone, le regard toujours parfaitement fixe devant elle.

Le jeune homme fut plus affecté qu’il ne l’aurait cru par sa réaction. Sans réfléchir, il la saisit par les épaules, la tourna face à lui et plongea dans ses yeux un regard indescriptible.

-Co…Comment peux-tu dire ça ! cria-t-il sans pouvoir contrôler l’intensité de sa voix.

Passé l’effet de surprise, le regard d’Iria se fit impénétrable et elle se dégagea violemment de l’emprise du pilote.

-Et que voudrais-tu que je dise ? Hein ! rétorqua-t-elle, les yeux emplis de colère. Tu aimerais m’entendre avouer que j’ai été profondément attristée par votre attitude, que je croyais pourtant que vous aviez confiance en moi… que je me suis sentie trahie, dit-elle d’un ton de moins en moins dur, sa volonté semblant s’affaiblir au fur et à mesure qu’elle sentait son corps se contracter dans des spasmes qu’elle n’arrivait plus à canaliser.

L’empathie de Quatre prit soudainement le pas sur le flot de sentiments qui le submergeait et lui révéla la blessure qu’Iria cachait derrière son apparente colère. Le jeune homme cilla et rouvrit des yeux surpris, comme s’il venait de sortir d’un mauvais rêve. Il s’était laissé emporter par ses peurs et avait agi sans penser aux conséquences, et le résultat était qu’il avait fait encore plus de mal à la jeune fille. Les traits durs du pilote furent alors remplacés par une profonde expression de douleur. 

-Iria… murmura-t-il.

-… et bien n’y compte pas, termina-t-elle d’une voix qui se brisa à la dernière syllabe sans qu’elle ne puisse rien faire.

Elle se sentit tout à coup terriblement vulnérable et trouva comme seule issue la fuite vers sa chambre. Elle s’en voulait tellement d’être aussi sensible, elle se détestait. Et pourquoi accordait-elle autant d’importance à ce qu’il pouvait bien faire ? Pourquoi n’avait-elle pas eu la force de le renvoyer ?…Faible, elle était tellement faible…

 

La princesse s’était prise le visage dans les mains et s’était réfugiée dans un coin de la chambre, tremblante de tout son corps. Quatre s’approcha aussi doucement qu’il put et lui effleura l’épaule, ce qui la fit sursauter.

-Laisses moi… tenta-t-elle de lui commander, mais sa voix n’était déjà plus qu’un murmure… pitoyable, elle se trouvait tellement pitoyable…

-Jamais je ne t’abandonnerais… lui dit-il doucement, tout en faisant glisser sa main jusqu’à son visage.

Il devait absolument l’aider à sortir de son mutisme au plus vite, mais elle résistait. Patiemment le jeune homme parvint à la tourner dans sa direction. Il lui prit alors délicatement les deux mains et les retira de son visage, n’ayant plus aucune force physique, il lui fut impossible de résister. L’obscurité qui avait pris possession de la jeune fille depuis déjà plusieurs minutes fut soudainement remplacée par le visage tendre du petit blond. Son regard qui parut d’abord rassuré se transforma vite en peur. Elle s’effondra alors au sol et regarda à nouveau autour d’elle d’un air complètement affolé.

Quatre la rattrapa dans sa chute et minimisa l’impact. La jeune fille tenta de lui échapper, mais il la contint et par des gestes emplis de tendresse, la serrant un peu plus contre lui. Le regard effrayé de la princesse se fit tout à coup opaque et ses tremblements s’accentuèrent. Quatre resta absolument calme, il se contenta seulement de tirer le dessus de lit pour en recouvrir la princesse, tout en lui parlant d’une voix rassurante.

-Ce n’est rien, ne t’en fait pas. Ca va aller, ce n’est qu’un mauvais moment à passer, ne t’inquiète pas c’est bientôt fini…

Durant ces dernières semaines Iria avait avalé tout ce qui l’angoissait au plus profond d’elle-même, comme on gobe un plat qui a mauvais goût. On inspire profondément et on ingurgite en espérant que ça passera. Seulement voilà, Dorothy avait été la bouchée de trop, et maintenant tout ressortait sans qu’elle ne puisse rien contrôler. Car elle ne contrôlait plus ni son corps, ni son esprit.

-Si tu savais comme je t’aime, lui murmura-t-il d’une voix pleine de douceur.

La princesse cilla et ses yeux reprirent une teinte vivante.

-Quatre… qu’est… qu’est… ce qui m’ar… rive… articula-t-elle entre les soubresauts de son corps.

Le jeune homme sourit faiblement, Iria reprenait le dessus, c’était bientôt terminé.

-Ça va aller, c’est bientôt fini, surtout de t’inquiètes pas…

-J’ai tel… ment… frfr… froid…

Le petit blond les recouvrit totalement du dessus de lit et la frictionna ; Iria releva faiblement son bras tremblant et s’agrippa au cou de Quatre.

Plusieurs minutes passèrent et la jeune fille se calma peu à peu à son contact. Iria ne comprenait pas ce qu’il était en train de lui arriver, d’autant plus qu’elle ignorait comment elle s’était retrouvée par terre dans les bras de Quatre, elle se souvenait seulement de s’être disputé avec lui au sujet de Dorothy, et après, impossible de se souvenir. Mais elle savait qu’elle n’avait rien à craindre, elle avait confiance en Quatre et elle s’abandonna peu à peu, se laissant bercer par la voix du pilote.

Et d’un seul coup ses tremblements cessèrent. La princesse resta immobile quelques instants pas tout à fait sûr que c’était vraiment terminé.

-Iria… l’appela-t-il doucement, pour s’assurer qu’elle était toujours consciente.

La jeune fille se cramponna à sa chemise et releva faiblement la tête pour rencontrer ses yeux célestes. Elle lui sourit doucement, il répondit à son sourire et lui effleura la joue du bout des doigts. La princesse ferma les yeux et apprécia son toucher.

-Tu m’as fait si peur... dit-il doucement.

-Quatre, que s’est-il passé ? demanda-t-elle en rouvrant les yeux.

-Tu as fait une crise d’angoisse.

Le regard apaisé de la jeune fille se voila soudain, elle allait détourner la tête lorsqu’il la lui saisit et plongea son regard dans le sien.

-Iria, tu dois cesser de refouler tout ce qui t’effraie au fond de toi, je t’en prie, c’est très important, tu dois t’accepter telle que tu es. Et si tu es en colère, dis-le, que ce soit à moi ou à un autre, mais dis-le, ne le gardes pas pour toi. On souffre tellement lorsque l’on est seul…

 

Quatre comprenait trop bien ce qu’elle pouvait ressentir, s’accepter tel que l’on est, est quelque chose de tellement difficile… Il avait longtemps refoulé sa gentillesse qu’il considérait comme un fardeau, ce qui avait fait de lui un enfant vaniteux et dépressif qui n’aimait personne malgré tout l’amour dont on l’entourait, il se trouvait tellement inutile et pitoyable… sa triste existence prit un nouveau tournant lorsqu’il rencontra l’unité Maganac, elle lui rendit sa fierté et la volonté de vivre. Sa quête personnelle avait commencé, et le destin fit que deux ans plus tard il devint pilote de gundam. Mais en parallèle de son combat contre Oz, le jeune homme menait également un combat de chaque instant contre lui-même… Quatre connaissait très bien les crises d’angoisses pour en avoir fait tellement qu’il ne les comptait même plus… même si le jeune homme avait appris à accepter que sa vie puisse être utile à quelque chose, il avait encore beaucoup de difficultés à se comprendre et le pouvoir grandissant de son empathie ne l’avait pas aidé. Combien de fois Trowa l’avait retrouvé terré dans un coin de sa chambre, tremblant de tout son corps ? Tellement de fois… c’est son meilleur ami qui lui a fait comprendre qu’il devait cesser de combattre sa gentillesse, qu’il devait l’accepter pour s’accepter car Quatre était un être fait de bonté et son empathie n’en était que le prolongement. Trowa l’avait aidé plus que quiconque, c’est grâce à lui qu’il avait réussi à s’en sortir.

 

Les yeux de la princesse se mirent à briller d’une tristesse indéfinissable.

-Oh Quatre !

Et elle se jeta dans ses bras, s’accrochant à son cou et longeant sa tête contre son épaule.

Le jeune homme l’étreignît avec tendresse et lui passa doucement une main dans les cheveux.

-Vas-y, n’aies pas peur, laisses couler tes larmes.

-J’ai l’impression d’être tellement incapable, dit-elle entre deux sanglots, de ne pas pouvoir faire changer les choses assez vite, de ne pas assumer mon rôle correctement…

Quelques secondes passèrent puis elle reprit.

-Cet après midi, je… j’ai eu tellement peur… je me suis sentie si seule… vous…vous n’aviez pas confiance en moi… je n’ai pas fait ce qu’il fallait… je…

-C’est faux, lui dit-il doucement, nous n’avons jamais perdu confiance en toi et tu  n’as rien fait de mal et même si c’était le cas, cela ne changerait rien. Tu ne dois pas essayer d’être parfaite, personne ne l’est, sois juste toi-même, n’oublies pas, si Relena t’a choisie, c’est pour toi-même.

Quatre lui releva alors le menton pour qu’elle le regarde.

-Tu es quelqu’un de fantastique Iria, et ne laisse jamais personne te faire croire le contraire.

-Quatre, je…

-C’est de ma faute si tout ça est arrivé, continua-t-il. La vérité c’est que Heero voulait que Dorothy reste à tes côtés pour pouvoir veiller sur toi si nous devions partir ou si la guerre devait se déclencher, et comme il a pensé que tu le prendrais plutôt mal, il a préféré l’inviter sans te prévenir pour que tu sois obligée de la rencontrer…

-…

-… et je l’ai laissé faire. Car j’ai eu peur moi aussi que tu refuses qu’elle vienne, je… j’ai eu peur de ta réaction… je suis désolé, si tu savais comme je m’en veux… Iria je…

Les larmes avaient cessé de s’écouler sur le visage de la jeune fille et un sourire prenait naissance alors qu’elle posait une phalange contre les lèvres du pilote pour qu’il se taise.

-J’ai compris, dit-elle. Tu as raison Quatre, personne n’est parfait, et vous avez le droit de douter de moi, cela ne veut pas dire pour autant que je n’aie plus votre soutient. J’aurais accepté de parler à Dorothy si vous me l’aviez demandé, parce que je sais que tout ce que vous faites est pour mon bien, seulement votre dernière attitude m’a fait douter moi aussi sur vos intentions.

Son sourire s’accentua alors et ses yeux se remirent à luire de leurs éclats habituels.

-En fait nous ne sommes que des imbéciles, mais ne crois pas que c’est une excuse suffisante et que je vais te laisser t’en tirer aussi facilement ! Lança-t-elle d’un air de défi.

Et avant que Quatre n’aie put réagir, elle l’avait attrapé par les épaules et plaqué au sol, un sourire victorieux aux lèvres.

-M. Winner, vous devriez revoir votre code de bonne conduite, votre attitude à mon égard est totalement impardonnable, dit-elle en fronçant les sourcils et en prenant un air fâché.

Le jeune homme ne put s’empêcher de sourire devant la mine de la princesse, il avait retrouvé l’Iria qu’il connaissait, celle qui ne se laissait pas abattre aussi facilement.

-Oh ! Vous m’en voyez désolé Princesse, attendez, je vais arranger ça !

D’un coup de reins il se redressa emportant au passage la jeune fille dans ses bras sans en éprouver la moindre difficulté. Iria surprise par la rapidité de ses mouvements s’agrippa à lui comme elle le put.

-Quatre, qu’est ce que tu fais, reposes-moi tout de suite ! protesta-t-elle.

-Vos désirs sont des ordres.

Et il la bascula sur le lit, mais Iria bien déterminé à ne pas se laisser avoir resta accrochée à son cou et le jeune homme dû déployer rapidement ses bras de chaque côté pour ne pas tomber à son tour. 

Ils se regardèrent tous les deux et éclatèrent de rires. La princesse relâcha son emprise mais Quatre ne bougea pas et resta au-dessus d’elle.

Son expression se fit alors plus sérieuse, suivit de près par celle d’Iria.

-Je t’adore, lui dit-il doucement, le regard plongé dans celui de la jeune fille.

Iria lui sourit avec tendresse.

-Moi aussi.

-Mademoiselle ! Mademoiselle vous allez bien ? appela le majordome. Mademoi… Oh ! s’écria-t-il en tombant sur les deux jeunes, l’un sur l’autre dans un lit à moitié défait.

 Iria se redressa d’un seul coup et Quatre tomba à la renverse sur le coté.

-Tout va très bien Dave, qu’y a t-il ? répondit-elle avec le plus de contenance qu’il lui était possible d’afficher.

-Le dîner a été servi. Veuillez m’excuser, mais vous ne répondiez pas, alors… alors je me suis permis d’entrer, vous comprenez je m’inquiétais pour vous, j’avais peur que…

-Ce n’est rien, le coupa-t-elle devant son air vraiment embarrassé, je heu… nous arrivons.

-Très bien, fit-il avant de disparaître.

Quatre et Iria se regardèrent et un immense sourire se dessina sur leurs visages respectifs.

-Nous devrions y aller, proposa le pilote, où ils vont vraiment se poser des questions.

-Tu as raison, mais tu devrais changer de chemise, dit-elle en souriant.

Le jeune homme baissa la tête et remarqua une énorme auréole au niveau de son torse.

-La prochaine fois que je te prête mon épaule, rappelles-moi de prendre une chemise de rechange, la taquina-t-il avant de disparaître en vitesse dans le couloir alors qu’elle courait vers la salle de bain pour arranger ses cheveux en bataille.

 

*****************************

 

L’après-midi tirait vers sa fin et Relena attendait Duo. Il avait été particulièrement nerveux aujourd’hui, mais elle n’avait pas réussi à connaître la cause de son excitation…elle se demandait ce qu’il avait encore derrière la tête lorsque la porte s’ouvrit et qu’une natte apparut.

Duo avança à reculons, tirant vers lui une chaise roulante.

-Le carrosse de la princesse est avancé ! dit-il victorieusement une fois arrivé à sa hauteur.

Mais lorsqu’il tourna la tête vers la patiente, il fut accueilli par une expression nettement moins enjouée que la sienne.

-Allez Rel’, juste un petit effort, après il y a une surprise qui t’attend, la regarda-t-il d’un air suppliant.

Relena n’aimait pas du tout l’idée de se faire promener en fauteuil roulant et Duo le savait. Elle n’avait peut être plus beaucoup de fierté ces derniers temps, mais il ne fallait tout de même pas exagérer.

-Duo, tu sais très bien ce que j’en pense…répliqua-t-elle d’une voix lasse.

Le pilote fronça les sourcils, il n’avait pas fait tout ça pour que ça tombe à l’eau, c’était bien trop important. Il se pencha au-dessus d’elle, collant un de ses poings de chaque coté du corps de la princesse pour maintenir son équilibre.

-Je ne vais pas abandonner maintenant, alors si tu refuses de t’asseoir dans cette chaise, je te porterais, mais je te préviens que ça risque d’être nettement moins confortable !

Relena releva la tête et fixa le jeune homme, il commençait à l’agacer. Mais elle vit dans son regard que dissimulé derrière sa détermination brillait l’espoir qu’elle accepte. Un espoir sincère et profond. Elle ferma les yeux et soupira.

-Très bien, dit-elle, puisque ça a l’air si important pour toi…

Le natté lui offrit un magnifique sourire.

-Merci, tu ne le regretteras pas !

-Non, en effet, je le regrette déjà.

Mais le pilote ne releva pas la mauvaise foi de la jeune fille puisqu’il était déjà parti en vitesse fouiller dans l’armoire pour lui trouver quelque chose de plus chaud à se mettre. Il la conduisit jusqu’au fauteuil, recouvrit sa chemisette d’un pull, et le pantalon en coton léger qui lui servait de bas, d’une couverture pliée en quatre. Il arriva dix minutes plus tard dans le salon, poussant le fauteuil chargé de la jeune fille. Trowa laissa échapper un sourire, Duo était vraiment très doué pour obtenir ce qu’il voulait, et pourtant à voir l’expression de Relena, elle n’avait pas l’air d’avoir été particulièrement coopérative.

La jeune fille releva la tête et parcourut du regard l’ensemble des personnes en présence. Sally, Trowa, Duo et un homme à la forte carrure qui devait certainement être Raschid. Elle n’avait plus l’habitude d’être entourée d’autant de monde et ça l’oppressait terriblement. La princesse baissa alors la tête et se recroquevilla sur elle-même, sans même s’en rendre compte. Mais les autres, en revanche le remarquèrent.

-Bien, dit Raschid, je vais de l’avant, vous connaissez la route.

-Et moi, je reste ici, ajouta Sally.

-Ok, fit Duo, Trowa, tu nous offres ta compagnie ?

Le jeune homme hocha la tête et emboîta le pas au natté.

 

Ils sortirent rapidement de l’enceinte de la résidence et suivirent un chemin goudronné bordé d’oliviers. Relena releva légèrement la tête pour regarder ce qui se passait autour d’elle, mais il était clair qu’elle n’était pas disposée à sortir de son enfermement. Duo bavarda donc tout seul, sachant pertinemment que s’il s’adressait directement à la jeune fille, elle risquait de se braquer encore davantage. La princesse tourna un peu plus sa tête et regarda Trowa en coin. Le jeune homme marchait le regard fixe devant lui, les mains dans les poches.

Quel étrange garçon, se dit-elle.

Mais elle n’eut pas le loisir de l’étudier davantage puisqu’ils arrivaient devant un large portail grand ouvert sur de belles allées de gazon parfaitement taillé. Un hennissement retentit tout proche, aussitôt répercuté par un autre cheval. La jeune fille se redressa et releva la tête, ouvrant grand les yeux. Des écuries…

Raschid vint à leur rencontre, accompagné d’Azim, le directeur du haras.

Le bel homme au teint bronzé se pencha vers la jeune fille.

-Bonjour ma petite demoiselle, je vous souhaite la bienvenue au haras d’Al-jirma. Je suis Azim et c’est moi qui vais vous faire visiter.

Relena fixa l’homme qui s’était accroupi à sa hauteur d’un regard impénétrable. Elle n’aimait pas la familiarité avec laquelle il la traitait et l’idée que d’autres personnes puissent savoir qu’elle était encore en vie ne lui plaisait pas du tout, cela risquait de mettre en danger bien trop de gens.

-Bonjour, dit-elle d’une voix atone tout en détournant son regard.

Azim fut surpris par sa réaction, il comprit néanmoins qu’il valait mieux qu’il garde ses distances avec elle.

Et dire que cette fille était la princesse de Sank…songea-t-il.

-Bien, alors allons-y, c’est par ici, dit-il en se relevant.

Le cortège s’ébranla et emboîta le pas au jeune homme. Raschid monta alors à la hauteur de la chaise roulante et se pencha légèrement vers la princesse.

-Ne vous inquiétez pas, il n’y a personne d’autre que nous dans le haras et Azim est un homme de l’unité Maganac, vous n’avez rien à craindre de lui.

Relena se tourna vers Raschid et lui offrit un pâle sourire de reconnaissance. Il répondit à son geste puis se redressa et se dirigea vers le gérant du haras.

 

Il la conduisit d’abord vers le pré des juments suitées.

Au son des petits sabots se heurtant au sol la princesse releva la tête et son visage fermé se détendit devant la vision des poulains s’ébattant autour de leur mères. Les frêles petits êtres semblaient défier les lois de la pesanteur sur leurs longues jambes incertaines. Ils galopaient, ruaient et cabraient à en faire tourner la tête. Parfois l’équilibre leur faisait défaut et ils se retrouvaient sur les genoux, mais peu leur importaient, ils se relevaient aussitôt et repartaient dans un nouvel enchaînement d’acrobaties. Une telle joie de vivre s’en dégageait que cela réchauffa un peu le cœur de la princesse. Et puis elle aimait être auprès des chevaux, leur présence l’avait toujours apaisée et lui avait si souvent donnée la force de continuer son combat. Dans son cœur ils symbolisaient la planète Terre, si belle, forte et fragile à la fois…elle les aimait comme elle aimait sa planète.

Elle aurait pu passer sa vie à les regarder s’ébattre ainsi, si fougueux, si orgueilleux et si innocent…

Ils restèrent longtemps devant l’enclos. Au bout de dix minutes, Duo se pencha doucement vers l’oreille de la princesse et lui demanda dans un murmure si elle voulait bien continuer la visite. Relena sursauta, revenant d’un seul coup à la réalité. Elle regarda une dernière fois vers les poulains et signifia au pilote qu’ils pouvaient poursuivre.

 

Azim les fit longer encore un moment les paddocks, puis ils arrivèrent aux écuries proprement dites, constituées de deux bâtiments regroupant chacun une vingtaine de boxes donnant sur l’extérieur. Duo avança doucement dans l’allée, laissant la jeune fille lui montrer lorsqu’il pouvait continuer. Cela lui faisait tellement plaisir de retrouver un peu de la princesse qu’il connaissait. L’attitude de Relena avait changé au fur et à mesure qu’elle découvrait le haras, son visage fermé s’ouvrait peu à peu, et l’expression douce et paisible qui la caractérisait si bien semblait réapparaître derrière ses traits tourmentés.

C’est alors que la jeune fille prit appuis sur son bras et se pencha vers l’avant, faisant toucher le sol à ses pieds. Duo eut juste le temps de bloquer la chaise et de saisir la couverture qui lui recouvrait les jambes avant qu’elle ne se lève. Plus personne n’osa bouger, chacun retenant son souffle comme si le moindre déplacement d’air aurait risqué de la faire tomber. Elle resta quelques instants les jambes légèrement écartées, cherchant son équilibre, puis Relena releva la tête et se dirigea doucement, un pas après l’autre vers un petit cheval blanc qui ne l’avait pas quittée du regard depuis tout à l’heure. Ils lui emboîtèrent le pas restant à proximité, au cas où elle perdrait l’équilibre. La jeune fille s’arrêta devant le box de l’animal, elle tendit sa main et il vint poser son museau contre sa paume. Un faible sourire apparu sur ses lèvres et elle se rapprocha davantage, sa main glissant le long de la tête du cheval. L’équidé tendit son encolure et vint loger le bout de son nez contre le cou de la princesse, il émit alors un long soufflement qui anima la chevelure de la jeune fille. Relena se mit à rire doucement des chatouilles de l’animal et colla son visage contre sa tête puissante. Elle ferma les yeux et inspira profondément, s’imprégnant de cette fragrance qui devenait parfum pour celle qui se souvenait.

 

Mais la quiétude du haras fut soudainement perturbée par un bruit sourd, s’ensuivit un mouvement désordonné de sabots qui s’entrechoquaient. Le petit blanc releva la tête et Relena fit de même. Le bruit avait cessé, elle se dirigea néanmoins vers la source et s’arrêta devant une porte grillagée. La princesse se pencha pour essayer de distinguer quelque chose dans la pénombre du box, c’est alors qu’elle vit un animal se jeter contre la grille en se cabrant. La porte trembla et le cheval retomba au sol avant de se retourner et de se jeter de nouveau contre la grille. Surprise, elle recula d’un pas. Tout était allé trop vite pour qu’elle arrive à voir distinctement l’animal, mais une chose l’avait frappée : son regard. Il était effrayé.

-Oh, je suis désolé mademoiselle, intervint Azim devant l’expression figée de la jeune fille, c’est une vraie furie, on n’a rien pu en faire, ne faites pas attention à elle.

Relena se tourna vers le jeune homme d’un air sidéré.

-Vous ne comptez tout de même pas la laisser enfermée là dedans ?

-Mais il nous est impossible de l’approcher. Lorsque le propriétaire nous l’a amenée, elle était très docile et nous n’avons eu aucun problème à la manipuler. Il s’est avéré qu’en réalité elle avait été droguée et dès qu’elle a commencé à devenir agité, nous avons essayé de contacter le vendeur, mais il s’était volatilisé…et depuis personne n’a réussi à l’approcher.

La princesse retourna son attention sur l’animal.

-Depuis combien de temps est-elle ici ?

-Trois jours Mademoiselle.

Relena s’approcha davantage et sa main vint se crisper contre la grille, aussitôt la jument se terra au fond de son box, terrorisée à l’idée que quelqu’un puisse l’approcher. Un voile de tristesse recouvrit alors le visage de la jeune fille et son regard se fit douloureux.

-…aucun être vivant ne devrait avoir à endurer de telles souffrances, dit-elle d’une voix brisée.

Duo se sentit tout à coup terriblement mal à l’aise. Relena n’avait jamais été aussi heureuse depuis des semaines et voilà qu’il gâchait tout en l’amenant à ce cheval, pourquoi n’avait-il pas choisi l’autre coté ?

Le pilote s’approcha doucement et mit une main sur l’épaule de la jeune fille.

-Aller viens Rel’, l’appela-t-il tristement.

Le natté commençait déjà à faire demi-tour lorsqu’il se rendit compte que la princesse n’avait pas bougé.

-Relena ?

Il y a des moments dans la vie où il faut savoir sauter le pas... La jeune fille cilla et son regard s’illumina alors.

-Vous avez un corral ? demanda-t-elle sur un ton que personne n’avait entendu depuis bien longtemps.

Ils restèrent tous stupéfaits, incapable de dire quoi que ce soit.

-Je vous ai posé une question, vous avez un corral ? insista-t-elle en se tournant vers Azim et en le fixant droit dans les yeux.

-Je…euh oui, bafouilla-t-il, derrière les écuries, il correspond directement avec les boxes et les paddocks.

-Donc il est possible de l’y amener sans avoir à la manipuler.

-…en effet, confirma-t-il du bout des lèvres.

Relena commença à s’impatienter devant le comportement de l’homme.

-Alors, pourriez-vous s’il vous plaît, ouvrir le couloir qui lui permettrait d’y accéder ? demanda-t-elle, en appuyant sur chacun de ses mots pour que cette fois-ci il ne fasse pas semblant de ne pas comprendre où elle voulait en venir.

Le gérant du haras se trouva alors très embarrassé, il ne pouvait pas laisser une gamine approcher un animal aussi dangereux, qui plus est, une princesse !

-C’est à dire que…enfin je…

Mais avant qu’Azim ne trouve à se justifier, Duo attrapa la jeune fille par l’épaule et la tourna face à lui.

-Relena, qu’est ce que tu veux faire ? lui demanda-t-il d’un ton des plus sérieux qui dissimulait difficilement son inquiétude sous-jacente.

-Lui demander pardon pour tout ce que les Hommes lui ont fait subir, répondit-elle, tout aussi sérieusement.

Le pilote écarquilla les yeux, à moitié effrayé et à moitié en colère. Il serra un peu plus son épaule.

-Non mais ça va pas ! Tu délires ! Ne crois pas que je vais te laisser faire !

Relena ne répondit rien mais lui adressa un regard qui lui laissait clairement comprendre que ce n’était sûrement pas lui qui allait l’arrêter. Tout en continuant à le fixer, elle lui prit sa main et la retira de son épaule.

Elle se retourna alors face au box et se concentra sur l’animal. La princesse prit une profonde inspiration, son regard se fit alors encore un peu plus déterminé et elle déverrouilla la porte.

Duo qui jusque là était resté interdit s’apprêtait à intervenir lorsque Trowa le retint.

-Laisses-la faire.

-Mais… ! Je ne peux pas ! Imagines qu’il lui arrive quelque chose ! dit-il d’air désespéré.

-Regardes-la, ça fait combien de temps que tu ne l’as pas vue ainsi ?

Le pilote tourna la tête vers la jeune fille qui ouvrait à présent la porte du box. Il resta plusieurs secondes le regard fixé sur elle, puis il ferma les yeux et poussa un profond soupir.

-Très bien, dit-il résigné.

Trowa fit alors un signe de tête à Raschid qui donna l’ordre à Azim d’ouvrir l’accès au corral.

 

Dès que la porte du box s’ouvrit, la jument se précipita sur Relena pour essayer de sortir. La jeune fille réagit aussitôt en levant son bras devant elle et en faisant voler d’un coup de pied la paille au sol. L’animal se figea à moins d’un mètre de la princesse.

-Fermez la porte, dit-elle d’un ton autoritaire.

Trowa s’exécuta et l’informa au passage qu’elle pouvait désormais accéder au corral.

-Très bien, fit-elle sans détourner son attention du cheval.

Relena baissa alors son bras et se mit doucement à se diriger vers la porte arrière. Tout en se déplaçant, elle garda son regard fixé dans les yeux de la jument et lui parla à voix basse.

Elle fit sauter doucement le loquet pour ne pas l’effrayer et d’un geste ample du bras ouvrit en grand la porte. La jument dressa les oreilles mais ne bougea pas, la jeune fille se décala alors légèrement sur le coté et d’un seul coup l’animal bondit vers l’extérieur.

Azim réceptionna le cheval, et dès qu’il entra dans le corral, il ferma la porte d’accès. La jument se mit à galoper en rond autour du cercle, hennissant, le regard désespérément fixé de l’autre coté de l’enclos.

Relena entra peu de temps après dans le corral une longe à la main, les pilotes, Raschid et Azim s’étant réunis autour de l’enclos. Elle se dirigea vers le centre du cercle et l’animal se mit à galoper plus frénétiquement encore, longeant le plus possible les bords de l’enclos. La jeune fille se contenta d’abord de l’observer.

Malgré la crasse qui la recouvrait, c’était une très belle jument, une peau fine recouvrait son corps, faisant saillir ses veines et apparaître au grès des mouvements le dessin parfait de ses muscles. Sa robe couleur de feu et sa tête fine lui donnaient une grâce et une prestance digne des plus grandes lignées.

Relena la laissa faire plusieurs tours puis la fixa dans les yeux et avança d’un pas dans sa direction, tout en faisant claquer la longe contre sa jambe. L’animal pila et fit volte face, repartant au grand galop dans la direction opposée.

-C’est très bien ma belle, dit-elle doucement.

La jeune fille fit volter la jument encore plusieurs fois, d’abord sur des tournants vers l’extérieur puis vers l’intérieur, l’amenant ainsi à lui faire face.

-On dirait qu’elles dansent…murmura Duo.

-Elles communiquent, rectifia Trowa sans quitter la princesse des yeux.

La jument était réactive, c’était une chance pour Relena qui n’avait pas à trop solliciter son corps faiblissant. Elle continua ainsi jusqu’à ce que le cheval cesse de penser à fuir pour se concentrer sur elle. Et bientôt l’animal abaissa la tête, signe qu’il en avait assez de courir et qu’il voulait bien écouter ce que cet être humain avait à lui dire.

La princesse cessa alors de la solliciter et lui tourna le dos, aussitôt, la jument infléchit sa trajectoire et se dirigea droit sur la jeune fille.

Duo se raidit et ses pupilles se rétractèrent.

-Mais elle va se faire piétiner !

Il commençait à gonfler ses poumons pour lui crier de faire attention lorsqu’il reçut un coup de coude de Trowa qui lui coupa le souffle.

-Ce n’est pas le moment Duo !

L’animal s’arrêta net à hauteur de l’épaule de la princesse, et à la surprise générale, il posa avec une extrême délicatesse son nez contre sa clavicule. Relena sourit.

-Je savais que tu pouvais le faire, tu n’as plus à avoir peur à présent, murmura-t-elle tout en se mettant en mouvement.

La jeune fille parcourut l’enclos et la jument la suivit comme son ombre, la tête basse et le regard apaisé. [1]

 

La scène paraissait irréaliste, une gamine en pyjamas qui semblait à peine capable de tenir sur ses jambes, « promenant » un animal fou furieux un quart d’heure auparavant.

-C’est…incroyable, fit finalement Azim, admiratif.

-Mais comment a-t-elle pu ?

-L’essentiel est invisible pour les yeux…murmura Trowa.

-…oui…il n’y a que le cœur qui voit bien, dit Relena en s’arrêtant au niveau de ses amis.[2]

Elle se tourna alors face à la jument qui redressa aussitôt la tête et pointa les oreilles. Son regard trahissait son inquiétude, mais elle avait malgré tout confiance en Relena. La jeune fille leva très doucement sa main et vint la poser contre le chanfrein de l’animal qu’elle se mit à caresser.

-…le cœur ne se trompe jamais, continua-t-elle, c’est la seule chose en laquelle nous pouvons continuer à croire lorsque tout s’effondre autour de nous. Il est ce qui fait de nous des êtres sensibles…

Tout en parlant, la princesse continua à caresser l’animal et passa progressivement de la tête à l’encolure. La jument resta à ses cotés, mais tout son corps tremblait et à chaque fois qu’elle posait sa main contre elle, elle sursautait.

-C’est bien ma grande, tu es très courageuse, lui murmura-t-elle d’une voix qui se fit de plus en plus lointaine.

Et d’un seul coup la jeune fille s’effondra.

-Non ! dit-elle d’une voix faible, pas maintenant…

-Relena ! cria Duo.

La jument surprise par la chute de la jeune fille, fit un bon sur le coté, elle sembla hésiter quelques secondes mais se rapprocha finalement et vint effleurer le bras blessé de la princesse, elle sentait qu’elle souffrait.

-Ce…n’est rien, ça va aller, articula-t-elle tout en tentant de se relever.

Mais sa fatigue eut raison de son entêtement et dans un dernier effort pour se redresser, elle fit un faux mouvement qui rendit la douleur de son épaule insupportable. Relena laissa échapper un gémissement avant de retomber à genoux.

-Je vais la chercher !

-Non Duo ! le stoppa Trowa d’un ton autoritaire, le cheval pourrait mal réagir et ça risquerait de devenir dangereux, je m’en occupe, dit-il tout en sautant avec une agilité féline par-dessus la barrière.

 

Le pilote se réceptionna accroupi pour amortir son saut, il se redressa doucement et fit face à l’animal qui cette fois-ci n’avait pas bougé et fixait l’intrus d’un regard appuyé. Il tendit sa main et utilisa le même langage que Relena, la jument fit alors un pas en arrière et le laissa accéder à la jeune fille.

Le pilote s’accroupit à hauteur de la princesse.

-Ça va aller Relena ? lui demanda-t-il d’un ton concerné.

La jeune fille releva alors la tête et rencontra pour la première fois le regard doux et serein qui se cachait derrière l’apparente indifférence de Trowa Barton. Elle comprenait à présent pourquoi Quatre et lui pouvaient être si proches, leurs yeux brillaient d’une lueur similaire. Relena cilla et sortit de sa méditation devant la mine soucieuse du jeune homme.

-Ça ira. Tu peux m’aider à me relever ?

-Tu dois te reposer à présent et ménager tes blessures.

Relena fronça les sourcils, les pilotes de gundams étaient donc tous intransigeants à ce point ?

-Mais elle a besoin de moi ! cria-t-elle d’un air désespéré.

-Tu n’arriveras à rien dans ton état. Laisses-moi finir.

Il avait prononcé sa phrase comme s’il lui demandait la permission. Relena fixa de nouveau ses yeux verts pâles, et sentit qu’elle pouvait lui faire confiance, elle sentait que Trowa était capable de comprendre et d’apaiser la souffrance des autres.

-Tu as raison, abdiqua-t-elle, je te la confie.

Un sourire furtif passa sur les lèvres du jeune homme, et son regard se teinta de reconnaissance.

-Je ferais de mon mieux.

Il passa alors le bras valide de la princesse autour de ses épaules et lui enserra la taille, Relena s’appuya sur le pilote et ils se relevèrent ensembles. La jeune fille tituba jusqu’aux bras de Duo qui la conduisit sur son fauteuil.

La princesse jeta un dernier coup d’œil à la jument qui la regardait, inquiète.

-Quel est son nom ? fit-elle faiblement.

-Inès mademoiselle.

-Ne t’en fais pas Inès, nous nous reverrons bientôt, murmura-t-elle avant de s’endormir, un pâle sourire détendant son visage.

 

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Pour la première fois depuis longtemps, ses fantômes furent incapables de venir déranger son sommeil et Relena dormit paisiblement jusqu’au matin.

Duo vint comme à son habitude lui apporter son petit déjeuner, mais cette fois-ci il fut accueilli par un sourire vivant, faible, mais vivant.

-Bonjour Princesse, comment vous sentez-vous ce matin ? Pas trop de courbatures ? la taquina-t-il doucement en venant lui déposer un baiser sur le front.

-Je ne sens presque rien, mentit-elle, Duo, pouvons-nous retourner au haras ?

Le natté sourit face à son attitude infantile.

-Quel empressement ! Mais tout d’abord il faut que tu manges.

Le sourire de Relena disparut et elle regarda le jeune homme d’un air suspicieux.

-On ira ne t’en fais pas ! Mais si tu veux être efficace, il te faut reprendre des forces, alors mange Rel’.

Le visage de la princesse se détendit alors et elle entama son plateau avec appétit sous les yeux stupéfaits de Duo, elle qui d’habitude mettait au moins cinq minutes entre chaque bouchée !

 

L’état de la princesse changea considérablement durant la semaine qui suivit, Relena quitta la solitude de sa chambre pour reprendre sa vie en main. Elle passa l’essentiel de son temps au haras ce qui posa quelques problèmes au début. Il fut décidé que l’accès lui serait ouvert l’après midi et le soir et qu’Azim maintiendrait le personnel aux hommes de confiance seulement lorsque la princesse serait présente. Les premiers jours Trowa l’accompagna et l’aida à manipuler la jument, intervenant à chaque fois que Relena montrait des signes de fatigue ou d’incapacités physiques. Puis au fil du temps, ils lui laissèrent de plus en plus de liberté et la jeune fille fut bientôt autorisée à se rendre seule au haras, à condition qu’elle dissimule son visage sous un voile. Tout le secteur étant sous contrôle de la base d’Al-jirma, pratiquement personne ne pouvait s’y déplacer sans autorisation spéciale.

Relena s’affirma de jours en jours et retrouva un peu de sa prestance d’antan, et progressivement elle se réintégra dans la vie sociale de la résidence en venant prendre ses repas avec les autres. Tous firent des efforts pour lui faciliter les choses, même Trowa qui l’avait prise sous son aile et qui veillait à ce qu’elle ne manque de rien et à ce que son handicap ne la gêne pas trop pour manger, pendant que Duo animait le repas. Sally les regardait faire d’un œil attendri, seul Wufei  rejetait la jeune princesse, lui lança par intermittences des regards noirs.

 

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Durant cinq jours, les discussions animèrent St Gabriel. Officiellement, ils étaient tous réunis pour redéfinir le statut de la nouvelle dirigeante de Sank dans les décisions politiques, mais en réalité, ils cherchaient comment agir efficacement contre la domination militaire que les Sphères Unifiées mettaient doucement en place, notamment, comment leurs pays respectifs allaient réagir lorsque la guerre se déclencherait, devraient-ils renier les Sphères Unifiées en risquant d’être assimilés aux Opposants, donnant ainsi un prétexte à leurs anciens alliés pour les attaquer ?

 

Le soir du troisième jour, Iria rentra tard au palais. Après la réunion de l’après midi, elle s’était enfermée dans son bureau pour n’en ressortir que tard dans la soirée. Dave l’avait patiemment attendue, et la princesse, bien que touchée par son attitude l’avait réprimandé de ne pas être rentré auprès de sa famille plutôt que de veiller sur une pauvre fille qui ne comprenait décidément rien à la décision de certains hommes politiques. Son majordome lui sourit.

-Si tout le monde avait un aussi grand cœur que vous mademoiselle, cela ferait longtemps qu’il n’y aurait plus de guerres.

Iria lui sourit et prit un air faussement fâché.

-Peut-être, mais ça n’est certainement pas mon cœur qui va m’aider à trouver une solution à ce fichu conflit !

-Venez, je vous reconduis, vous avez besoin de vous changer les idées, vous n’arriverez à rien ce soir.

-Vous avez raison Dave, dit-elle en soupirant, rentrons.

 

Iria mangea rapidement en compagnie de Quatre et Dorothy, puis se retira dans ses appartements. Elle était déjà suffisamment fatiguée et n’avait pas particulièrement envie de discuter avec la petite fille du Duc Dermail. Même si elle se faisait doucement à la présence de Dorothy, elle avait encore des difficultés à la supporter. Elle se rendait compte peu à peu que la jeune fille était dans le fond quelqu’un de bien, mais ses mimiques et son attitude générale donnaient beaucoup de mal à Iria, mais elle faisait des efforts et elle savait que bientôt, elle accepterait de parler franchement avec Dorothy, mais pour le moment, elle avait plus important à faire. La princesse descendit dans les jardins et s’assit sur le banc où Heero et elle s’étaient parlés pour la première fois, c’était une sorte de code qu’ils avaient implicitement installé entre eux. Iria venait s’asseoir ici lorsqu’elle avait besoin de le voir, et parfois, il venait à sa rencontre. Et ce soir-là, le pilote la rejoignit. Il s’assit en silence et leva à son tour les yeux vers le ciel.

-D’après toi, la résistance qui s’organise pourrait-elle devenir importante au point de pouvoir renverser un jour les Sphères Unifiées ?

-Les mouvements minoritaires peuvent parfois prendre une importance considérable à la suite d’un conflit.

-J’ai fait des recherches cet après midi sur les groupes de résistants qui se sont formés suite à l’apparition des épyons terros. Apparemment, leur nombre a quadruplé après l’annonce de la mort de Relena et leurs rangs sont grossis chaque jour davantage.

-En effet, confirma-t-il.

-C’est Lady Une qui gère pour le moment les différents mouvements de résistance, je me trompe ?

-Ses agents sillonnent la planète et les colonies pour essayer de les organiser, le problème c’est qu’ils veulent tous défendre leur cause personnelle.

Iria baissa la tête vers le sol, le regard fixe.

-Les intentions de Lady Une sont louables, mais elle n’a pas la reconnaissance nécessaire pour se faire entendre, dit-elle d’une voix grave.

Le jeune homme quitta à son tour le ciel et tourna son regard vers la princesse.

-… Heero, je crois que si la guerre se déclare, je vais me retirer des Sphères Unifiées et annoncer mon opposition à leur action.

-Tu sais ce que ça représente pour ton pays.

-Le peuple de Sank est fier et idéaliste, à l’image de sa famille royale, et je suis sûre qu’il appuiera ma décision. Le royaume ne peut pas conserver une alliance avec une organisation qui s’engage corps et âme dans la guerre.

-Je sais que tu prendras la meilleure décision, termina-t-il en se relevant, tu devrais aller dormir, il est déjà tard.

La jeune fille lui sourit.

-Merci… Je reste encore un moment.

Heero se retourna alors et disparut bientôt dans la pénombre de l’allée de chênes.

Iria releva la tête vers la voûte céleste et se perdit dans la contemplation des étoiles. Son visage se détendit et elle inspira profondément. Elle était rassurée, elle savait maintenant qu’elle avait prise la bonne décision.

 

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Les pilotes assistèrent aux réunions des politiciens qui mirent au point au cours de ces cinq jours une ébauche de programmes de résistance contre l’action des Sphères Unifiées. Après leur départ, ils restèrent encore quelques jours au royaume, réglant les derniers détails. Iria fit de gros efforts et elle finit par accepter la présence de Dorothy à ses cotés.

Un soir d’automne, la jeune princesse raccompagna les pilotes jusqu’à leurs Gundams. Elle tenta d’afficher un joli sourire, mais elle ne pouvait s’empêcher d’être inquiète, même si des préventers et Dorothy étaient à présent à ses cotés, les pilotes allaient lui manquer, ils lui avaient été d’un grand soutient et il lui arrivait de se demander parfois si elle serait allée aussi loin sans eux.

Les pilotes et Iria marchèrent en silence cote à cote sur l’échafaudage qui les conduisit jusqu’au cockpit des armures mobiles. Arrivé à la hauteur du Sandrock, Quatre s’arrêta et se tourna vers la princesse, Heero continua son chemin sans infléchir sa trajectoire. Quatre et Iria se regardèrent tous deux et la jeune fille sentit son estomac se nouer face aux yeux si doux du pilote. Elle resta face à lui et ses yeux se mirent à briller. Avant qu’elle ne craque, le jeune homme s’approcha et la pris dans ses bras, Iria répondit à son étreinte et le serra contre elle comme elle ne l’avait encore jamais fait.

-Tout ira bien.

-Je t’en prie Quatre, fais attention à toi, dit-elle d’une toute petite voix.

-Je reviendrais, je te le promets.

A ce moment là, Heero mis sous tension, les réacteurs auxiliaires de son gundam.

-Je dois y aller, lui murmura le pilote.

La jeune fille le libéra et lui déposa un baiser furtif sur la joue avant de s’enfuir vers le Wing Zéro.

-N’oublie pas ton serment ! Je dois absolument voir Heero avant qu’il disparaisse lui aussi !

La princesse arriva juste à temps avant qu’il ne ferme le sas du poste de commande.

-Attends ! lui dit-elle tout en s’appuyant contre l’armure pour reprendre son souffle.

-Tiens, fit-elle en lui tendant une enveloppe.

Le jeune homme se tourna vers elle et la regarda sans trop comprendre.

-Prends pas cet air bête Heero, je sais que Relena est en vie, alors donnes-lui ça de ma part s’il te plaît.

Il resta immobile quelques instants, hésitant sur la marche à suivre. Il y avait toujours une petite voix qui lui disait de ne pas faire confiance, c’était plus fort que lui, d’un autre coté, cette lettre serait certainement très bien reçue par Relena, et puis Iria n’avait aucune raison de lui vouloir du mal.

-Comment le sais-tu ? lâcha-t-il finalement en plongeant son regard inquisiteur dans les yeux de la princesse.

-Anìron. J’avais déjà des soupçons avant, mais lorsque je t’ai vu avec lui, je n’ai plus eu aucun doute. Je suppose qu’elle ne va pas très bien, vu dans l’état où vous étiez il y a quinze jours, elle n’a pas dû passer loin de la mort.

-Elle va mieux, lui répondit-il en prenant la lettre.

-Prends bien soin d’elle Heero. Si tu savais à quel point elle tient à toi.

Le pilote détourna aussitôt la tête vers ses commandes et Iria sourit tendrement à son attitude.

-Bon, je vais arrêter de te flatter parce que sinon, je vais finir par me rendre compte que je suis vraiment jalouse ! Soyez prudent ! dit-t-elle en s’écartant du Wing.

Le jeune homme lui lança un dernier regard, un regard sincère.

La princesse lui offrit un ultime sourire, puis le sas se referma.

 

*****************************

 

Le matin avait été consacré aux soins et au repos et l’après midi était libre. Cette journée ne semblait pas différente des autres, à l’exception près que Quatre et Heero rentraient ce soir. Relena partit tôt s’occuper d’Inès et revint en fin d’après-midi. Une étrange sensation l’avait habitée tout au long de la journée, un sentiment mêlé de joie et d’appréhension qui grandissait en elle au fil des heures. Depuis qu’elle avait appris le retour des pilotes, la veille, elle n’avait cessé de ressasser les dernières paroles d’Heero et le baiser qu’ils s’étaient échangé. Comment devait-elle interpréter son geste et comment allait-il se comporter à son égard à présent ? Et puis, elle continuait à se demander si Heero avait vraiment bien compris pourquoi elle l’avait envoyé au royaume de Sank, comment avait-il réellement interprété sa demande ? Elle avait si peur qu’il se soit senti rejeté…

La princesse décida de cesser de faire une fixation là-dessus, elle alla se rafraîchir et se changer à la salle de bain, puis revint dans sa chambre, s’installant devant la baie vitrée, un livre à la main.

 

Le transporteur atterrit sur la base d’Al-jirma à 17 heures, heure locale. Les containers qui renfermaient les Gundams furent déplacés jusqu’au secteur sécurisé réservé aux appareils des pilotes.

-Hey Heero ! Quatre ! Bienvenue à la maison ! les hélas Duo en venant à leur rencontre, suivit de Trowa, Sally et Raschid.

Quatre descendit du camion et offrit un chaleureux sourire à ses amis.

-Ça fait plaisir de vous voir, dit-il en arrivant à leur hauteur.

Heero gara son véhicule et sortit peu après. Dès qu’il fut au sol, il jeta un rapide coup d’œil à ses compagnons pour balayer aussitôt du regard l’ensemble de l’entrepôt. Son visage se ternit alors de façon imperceptible et il rejoignit le groupe. Mais le jeune homme avait beau paraître impassible, les pilotes savaient ce qui l’inquiétait.

-Au fait, où est Relena ? demanda Quatre, sachant pertinemment que la question brûlait aux lèvres de son ami, mais qu’il ne la poserait jamais.

-Elle n’était pas encore rentrée lorsque nous sommes partis, je suppose qu’elle doit être arrivée maintenant, certainement en train de trépigner d’impatience dans sa chambre ! dit Duo d’un air taquin en regardant successivement les deux pilotes, mais Heero lui fit rapidement comprendre que son humour ne le faisait pas du tout rire et le natté cessa aussitôt.

-Allez-y, proposa Raschid, vous avez l’air exténué, mes hommes et moi, nous allons nous occuper de vos armures.

C’est de bonne grâce que les pilotes acceptèrent et ils rentrèrent tous à la résidence.

 

Arrivé dans la demeure, Quatre se dirigea directement vers sa chambre pour y déposer ses affaires, Heero allait faire de même lorsqu’il se rendit compte que la dernière fois, il faisait chambre commune avec Relena. Il s’arrêta sur le seuil du salon, indécis.

-Au fait Heero, intervint Duo en arrivant derrière lui, je t’ai aménagé la chambre à coté de celle de la princesse.

Le jeune homme remercia son ami d’un hochement de tête et reprit son sac en main.

-Je vais déposer mes affaires, dit-il d’un ton neutre.

-C’est ça ! fit Duo moqueur, prends ton temps surtout !

Un faible sourire courut sur les lèvres d’Heero, Duo pensait vraiment à tout.

 

On frappa faiblement à la porte, Relena sursauta et referma le livre dont elle n’avait pas tourné une seule page depuis qu’elle l’avait ouvert.

-Entrez, dit-elle juste assez fort pour être entendue.

La porte s’ouvrit doucement et le jeune homme se trouva face au grand lit. Il était fait et tous les appareils médicaux avaient disparu. Il tourna alors la tête sur sa gauche et aperçut, enveloppée dans un large fauteuil, la silhouette encore frêle de la princesse, il ne put voir l’expression de son visage, tourné vers l’extérieur.

Le pilote s’approcha doucement, comme s’il ne voulait pas troubler le silence quasi religieux qui habitait la pièce. La jeune fille se raidit en reconnaissant cette démarche souple et silencieuse. C’était celle d’Heero. Lorsqu’elle le sentit tout proche, Relena, le cœur battant à tout rompre, leva son visage à sa hauteur. Heero remarqua aussitôt l’inquiétude que ses yeux laissaient transparaître, il lui renvoya un regard franc et entreprit d’observer la jeune fille qu’elle était redevenue. Les traits de la princesse se détendirent alors, et elle sentit la chaleur de ses joues monter crescendo sous le regard du pilote.

Relena avait tellement changé depuis son départ. Même si elle restait encore chétive, elle devait déjà avoir repris quelques kilos, son teint blanc s’était halé dans une belle couleur pêche et les multiples contusions semblaient bel et bien résorbées. Seule l’attelle qui immobilisait son bras blessé ne donnait pas de doutes possibles quant à son état encore convalescent. Son attelle, et son regard. Quelque chose avait changé dans l’expression de ces yeux, son regard n’était pas rassuré, angoissé, comme si elle se sentait en danger. Cette peur qu’il avait vue en elle lorsqu’elle s’était réveillée pour la première fois, n’avait pas disparu. Mais Relena avait su aller au-delà, car en deçà de cette ombre, la présence de la princesse brillait à nouveau.

Heero sourit imperceptiblement devant la gêne qu’il avait provoquée chez la jeune fille. Et surtout, elle a retrouvé un peu de son innocence…Se dit-il en relevant la tête vers le regard de la princesse.

-Je suis heureux que tu ailles mieux, Relena.

Un sourire sincère se dessina sur les lèvres de la jeune fille, mais il disparut lorsque lui revint en mémoire le départ du pilote. Elle devait être clair avec lui.

-Heero…je voulais que tu saches…commença-t-elle d’un air confus.

Mais avant qu’elle entame son explication, il lui tendit une enveloppe.

-Tiens.

Relena le regarda sans comprendre.

-C’est une lettre qu’Iria m’a donnée pour toi.

-Alors vous…

-Non, la coupa-t-il à nouveau, elle s’en est rendue compte par elle-même.

Relena sourit doucement.

-Ça ne m’étonne pas d’elle…murmura-t-elle, soudainement perdue dans le souvenir de son amie.

Les pas du jeune homme s’éloignant la ramenèrent cependant à la réalité.

-Heero ! Attends, je voulais te dire que…

-Je te laisse, ce doit être personnel.

Et il sortit avant qu’elle n’ait pu finir sa phrase.

-Heero…

 

Le jeune homme referma la porte, le cœur résonnant contre ses tempes. Qu’est ce qui lui avait pris de réagir comme ça ? Pourquoi s’était-il emballé lorsque Relena avait voulu lui parler ? De quoi avait-il donc si peur ? En fait il savait ce qui l’effrayait autant, c’était les sentiments qu’il avait pour elle…il s’était pourtant résolu à affronter ses doutes, il ne voulait plus vivre dans la crainte perpétuelle de la perdre un jour sans jamais lui avoir rien dit…lui dire quoi au juste ? Il ne savait même pas vraiment ce qui était en train de se passer en lui à l’instant présent, alors quant à exprimer ce qu’il ressentait…Non, je dois le faire, se résolut-il, je dois aller lui parler, et peu importe si je me retrouve incapable de dire quoique ce soit, il faut que j’essaye, c’est fini, je ne veux plus attendre ! se décida-t-il dans un élan de détermination. Un sentiment d’accomplissement l’envahit soudain et il sut qu’il avait pris la bonne décision.

Il allait se retourner pour rouvrir la porte lorsqu’il se ravisa. Relena devait certainement être en train de lire la lettre d’Iria, il repasserait dans un quart d’heure, elle n’allait pas s’envoler de toute manière.

C’est donc l’esprit apaisé qu’il se dirigea jusqu’au salon.

 

La jeune fille resta le regard fixé sur la porte, elle avait crû l’espace d’un instant qu’Heero allait revenir, mais elle avait dû rêver. Elle soupira.

Heero, cesses donc de me fuir comme tu le fais…

La princesse se ressaisit en sentant l’enveloppe entre ses mains, elle la retourna et vit au dos le sceau de la famille royale. Son regard se voila et elle eut un pincement au cœur. Son royaume… Elle fit sauter délicatement le cachet de cire et déplia la lettre.

 

Ma chère Relena,

 

Si tu savais comme je suis heureuse de te savoir en vie.

Lorsque j’ai vu ton avion se fracasser contre la mer, j’ai cru que l’on venait de m’arracher une partie de mon cœur tellement ça m’a fait mal.

J’ai eu à peine le temps de réaliser que tu étais morte que je devais te succéder, et mon premier rôle a été d’annoncer au peuple ton décès «officiel » et les funérailles qui auraient lieu pour t’honorer…Tout est allé si vite après, le parlement, le protocole, les responsabilités…Mais malgré tous mes efforts, je n’arrivais pas à endiguer la douleur profonde qui s’insinuait peu à peu dans mon cœur. Relena Peacecraft ne pouvait pas être morte, pas ma meilleure amie, pas celle qui m’avait tant donnée.

Comment pouvais-je endosser ton rôle alors que tout mon être pleurait ta disparition ? C’était si difficile ce que tu me demandais là…

 

J’ignore si j’y serais arrivée sans le soutient de Quatre et Heero. Bien sûr que j’aurais continué, je l’aurais fait pour toi, mais ce que je veux dire, c’est que je n’aurais certainement pas su voir au-delà de ma peine. C’est Heero qui m’a fait comprendre ce que tu attendais réellement de moi, il m’a fait réaliser que je devais être plus forte, que je devais cesser de ressasser ma douleur si je voulais espérer un jour être une princesse de Sank…Etre à la hauteur de ta confiance.

Ne t’en fais pas Relena, maintenant tout va bien, il y a eu des moments difficiles, mais aussi de grandes satisfactions et j’ai toujours eu l’épaule de Quatre pour pouvoir me reposer lorsque le besoin s’en faisait ressentir. Je te remercie de m’avoir confié Heero, c’est un très bon garçon, je comprends pourquoi tu l’as toujours aimé. J’avoue que lorsque j’ai réalisé que tu étais encore en vie, je n’ai pas bien compris pourquoi tu l’avais envoyé à Sank, décidément ma chère Relena, tu me surprendras toujours !

Je sais que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais par pitié, dis-lui ce que tu ressens.

 

Je suppose que tu te demandes comment j’ai su. Tout d’abord, ne les réprimande pas, ils n’ont rien dit. Je ne t’en veux pas d’avoir cherché à me le cacher, je te fais confiance quant aux raisons qui t’ont faites agir ainsi. J’avais déjà des doutes par rapport à l’attitude des pilotes, mais j’avais mis ça sur le compte de mon imagination. En réalité c’est Anìron qui a vendu la mèche. Je l’ai surpris un matin avec Heero et j’ai eu envie d’y croire, envie de croire qu’il avait raison. Je ne l’avais jamais vu aussi proche de quelqu’un depuis ta disparition, lui qui ne supportait plus la présence de l’Homme, c’était tout juste si j’arrivais encore à l’approcher, même à moi il semblait m’en vouloir. Alors lorsque je les ais vus tous les deux, je me suis dis qu’il ne pouvait pas se tromper, pas Anìron.

 

Quoiqu’il en soit, saches que la seule chose que je souhaite à présent, c’est que tu sois heureuse. Et surtout ne reviens que si c’est vraiment ce que tu désires. Le royaume a une nouvelle princesse qui assurera son rôle quoiqu’il arrive, pas que je veuille te voler ton trône, mais tu es mon amie, et tu as le droit toi aussi à un peu de bonheur, tu dois bien être sur la planète celle qui le mérite le plus ! Alors je te l’ordonne, tu m’entends, ne te soucies plus que de la façon dont tu vas t’habiller pour plaire à Heero ou de quel temps il va faire demain, il y a bien assez de gens comme moi pour s’occuper du sort du monde ! Et si je ne dois plus jamais te revoir, je voulais juste te dire une dernière fois à quel point je t’aime et saches qu’aussi loin que tu seras tu resteras toujours la personne la plus proche de moi.

 

Je t’aime. Iria.

 

Les mains tremblantes, Relena serra doucement la lettre contre son cœur.

-Si tu savais comme je t’aime moi aussi Iria, murmura-t-elle, le sourire mêlé aux larmes.

Elle était tellement heureuse, tellement heureuse de l’avoir pour amie. Iria était inestimable à ses yeux, la seule personne qui l’avait toujours acceptée telle qu’elle était, respectant ses silences et continuant à croire en elle envers et contre tous, la seule à qui elle pouvait confier tout ce qu’elle avait de plus précieux.

La jeune fille se laissa le temps de se remettre de l’émotion qui l’avait gagnée, puis plia soigneusement la lettre qu’elle déposa sur la commode. Elle se leva alors, prit son baluchon et sortit de la chambre.

 

En ouvrant la porte, elle se trouva face au visage du petit blond, surprise, elle eut un léger sursaut.

-Quatre !

-Bonjour Relena, l’accueillit-il dans un sourire, tu as l’air d’aller mieux.

La jeune fille le regarda tendrement et s’approcha pour l’enlacer de son bras. Quatre la serra alors doucement contre lui.

-Ça va aller maintenant, dit-elle en le relâchant.

Le pilote la libéra et son regard se baissa sur le sac de la princesse.

-Je vais sur la plage, répondit-elle à sa question silencieuse.

-Très bien, alors à tout à l’heure…

La princesse sourit à son air inquiet et lui déposa un baiser sur la joue.

-Oui, à tout à l’heure.

Et elle disparut vers le corridor.

 

Relena mit à peine cinq minutes pour arriver au haras. En passant devant le pré des juments suitées, elle aperçut la silhouette d’Azim qui se détachait des poulains et de leur mères, il faisait sa tournée d’inspection journalière.

-Relena ! l’interpella-t-il d’un large geste du bras. Je ne pensais pas que tu reviendrais ce soir !

-J’en avais besoin ! lui cria-t-elle pour qu’il l’entende. Je vais faire un tour sur la plage avec Inès, je serais vers la crique !

Le gérant du haras haussa un sourcil puis acquiesça d’un hochement de tête.

-Très bien, bonne ballade !

Relena lui répondit d’un signe de main évasif, elle était déjà partie.

Azim la regarda s’éloigner…Quelle jeune fille mystérieuse…en tout cas ça lui va bien d’être heureuse, elle est très belle lorsqu’elle sourit !

La princesse se dirigea d’un pas rapide jusqu’aux vestiaires, elle se changea, prit son matériel et rejoignit le paddock de la jument.

Relena s’approcha de la barrière et siffla les chevaux. Elle vit bientôt une paire d’oreilles fines se frayer un chemin entre ses congénères. La silhouette sèche et athlétique de la petite jument se détacha alors du groupe et elle vint la rejoindre d’un pas tranquille. Relena lui offrit une caresse et la sortit de l’enclos.

-Je sais que je suis déjà venue te voir aujourd’hui, mais ça ne te déranges pas si l’on part se promener ? Le coucher du soleil sur la mer est magnifique tu sais.

Inès dressa les oreilles et fixa la jeune fille de ses yeux noisette pétillants d’intelligence. Relena lui sourit et aussitôt la jument lui emboîta le pas vers les écuries.

La princesse se contenta de lui passer une bride et partit vers la plage. Elle marcha un moment le long des dunes de sables, puis elle se rapprocha du bord de la

mer alors que le soleil déclinait. La jeune fille arrêta Inès face à la méditerranée et prit une profonde inspiration, s’imprégnant des embruns apportés par le vent.

Elle se laissa alors glisser le long du dos de la jument et atterrit en douceur sur le sable. Relena flatta l’encolure d’Inès puis vint s’asseoir devant elle, face à la mer.

 

Heero frappa à la porte.

Aucune réponse.

-Relena ?

Face à l’absence de manifestation, il se décida à ouvrir et son estomac se noua en rencontrant une chambre vide.

-Relena ! l’appela-t-il un peu plus fort en se dirigeant aussitôt vers la salle de bain.

Il ouvrit la porte à la volée et se figea. : Vide. Elle était vide.

-Heero ! Heero t’es où ? l’appela Duo qui avait entendu crier son ami.

Le natté passa la tête dans la chambre ouverte de la ministre et trouva le pilote immobile devant la salle d’eau.

-Hey Heero ! Bin qu’est ce qui t’arrives mon vieux, t’as vu un fantôme ou quoi ! plaisanta-t-il en le gratifiant d’une accolade.

-Elle est partie. Relena est partie, dit-il d’une voix complètement vide.

-Relena ? Mais non ! Elle est juste allée faire un tour sur la plage, elle le fait très souvent tu sais, il n’y a pas de quoi s’inquiéter ! tenta-t-il de le rassurer en voyant dans quel état il venait de se mettre.

Et avant-même que Duo n’ait eu le temps de réagir Heero fit volte face.

-Hey ! Mais où tu vas comme ça !

-Sur la plage, dit-il sans prendre la peine de se retourner.

-Attends ! Tu ne sais même pas où elle se trouve ! Heero !

Mais c’était trop tard, le jeune homme avait déjà disparu. Duo poussa un profond soupir et un large sourire prit forme.

-Complètement accro !

 

Heero marcha sans trop savoir où il allait, seulement guidé par une peur irrationnelle de ne plus jamais la revoir. Le pilote se dirigea de lui-même vers le haras.

Azim accourut lorsqu’il vit cet étranger se promener dans l’enceinte du haras.

-Oh gamin ! Qu’est-ce que tu fais là ! C’est une propriété privée ici ! lui cria-t-il en se dirigeant vers lui l’air en colère.

Le jeune homme se retourna alors et Azim s’immobilisa lorsqu’il le reconnut. C’était un pilote de Gundam, celui du Wing Zéro. Même s’il ne l’avait toujours aperçu que de loin, il ne pouvait pas se tromper.

Heero ne prêta qu’une attention distraite à l’homme qui venait de l’interpeller.

-Vous savez où est Relena ? lui demanda-t-il en continuant à survoler du regard les alentours.

-Euh…oui, elle est partie à cheval sur la plage.

Les propos d’Azim devinrent tout de suite plus intéressants et le pilote baissa la tête vers lui, le fixant droit dans les yeux.

-Vers la crique, c’est juste derrière les écuries, par ici, fit-il en indiquant l’ouest.

Le jeune homme le remercia d’un signe de menton et se dirigea aussitôt vers le point indiqué, laissant l’homme planté au milieu de la cour.

 

Le soleil déclinait vite et les crêtes des vagues semblaient s’élever à chaque fois un peu plus hautes, comme si elles cherchaient à offrir à l’astre une de leurs courbures pour qu’il s’y dissimule.

Les pensées de Relena se perdirent dans les remous de la mer. Dire que de l’autre côté de cette étendue d’eau se trouvait son pays, et une grande partie de ce qui constituait toute sa vie. Dire qu’ils se préparaient tous à la guerre alors qu’elle, elle contemplait un coucher de soleil sur la mer… Iria avait peut être raison, peut être valait-il mieux qu’elle disparaisse. Beaucoup d’Hommes l’avaient pleurée, mais les humains oublient vite, l’affaire de quelques semaines encore et elle ne serait plus qu’un lointain souvenir, comme Heero Yuy… La princesse perçut ce sentiment d’amertume monter en elle, cette colère profonde, cette déception qui s’étaient peu à peu installées dans son cœur ces derniers mois. Elle en voulait aux Hommes, cette espèce qui n’était pas capable de vivre en paix, alors qu’elle en avait pourtant tous les moyens… Sa gorge se serra soudain et son ventre se noua. Pourquoi ? Pourquoi toute cette haine ? Pourquoi vouloir tout détruire ? Si seulement elle avait la force nécessaire pour protéger la vie de la folie des Hommes. Elle avait tellement peur pour sa planète… cette peur qui la prenait au ventre de se dire qu’un jour peut être tout serait détruit. Pourquoi personne ne voulait-il comprendre, la nature est si bien faite, elle est si belle, et si fragile… Alors pourquoi toute cette violence ?

 

Heero aperçut bientôt une silhouette équine se dessiner au loin. Il se dirigea dans sa direction, les pulsations de son cœur accélérées par cette peur dont il n’arrivait pas à se défaire. Mais il constata rapidement qu’une jeune fille aux longs cheveux châtains était assise aux pieds de l’animal. Le jeune homme s’arrêta alors et poussa un profond soupir de soulagement. Elle était là. Son visage se détendit et il s’approcha doucement. Inès sentit sa présence et releva la tête, donnant une pression à ses rênes et indiquant ainsi à Relena que quelqu’un approchait.

La princesse se raidit soudain. Elle n’avait pas fait attention et voilà qu’elle se trouvait en danger, d’autant plus qu’elle avait laissé glisser son voile sur ses épaules. Le pilote perçut la tension de la jeune fille et la rassura de vive voix.

-Rassures-toi, c’est moi.

Relena tourna spontanément la tête vers ce timbre familier et aperçut le jeune homme qui venait tranquillement vers elle, les mains dans les poches de son pantalon en toile. Heero. Il avait dû s’inquiéter de son absence, comment n’y avait-elle pas pensé ! Relena crut d’abord qu’il venait pour la ramener à la résidence, mais elle constata vite à son attitude qu’il n’en était rien. Elle lui sourit doucement et il répondit par le même geste. C’était la deuxième fois qu’elle le voyait sourire. Il remarqua cependant à l’expression de Relena qu’elle était inquiète, peut être la lettre d’Iria… Le jeune homme offrit une caresse à la jument qui ne l’avait pas quitté du regard puis vint s’asseoir aux cotés de la princesse, et fixa lui aussi l’océan.

Relena ferma les yeux et inspira profondément, elle aimait tellement pouvoir sentir la présence d’Heero auprès d’elle. C’était comme si elle arrivait à puiser dans sa force, comme si elle avait la capacité de se fondre en lui. Sa présence l’entourait toujours d’une aura protectrice et elle avait le sentiment qu’auprès de lui, plus rien ne pouvait l’atteindre. Elle avait confiance en lui, et ce depuis leur première rencontre, bien que tous les opposaient et qu’ils étaient même destinés à se détruire mutuellement, elle avait voulu croire en cette petite voix qui l’avait incitée à lui faire confiance. Et elle ne s’était pas trompée.

-Pourquoi les Hommes se font-ils constamment la guerre Heero ? demanda-t-elle au bout de quelques secondes.

Relena sursauta tout à coup en se rendant compte de ce qu’elle venait de lui demander. Pourquoi agissait-elle sans réfléchir ?

-Je suis désolée, s’excusa-t-elle aussitôt, ce que tu en penses ne me regarde pas.

Le jeune homme qui était resté immobile jusque là, tourna la tête vers la princesse qui avait les yeux rivés au sol. Depuis quand craignait-elle de lui poser des questions ?

-D’aussi loin que je me souvienne, je n’ai connu que la guerre... J’ignore qui sont mes parents, j’ai été recueilli par un tueur à gage alors que je n’étais encore qu’un enfant. C’est lui qui m’a formé, qui m’a appris mon métier d’assassin…

Relena releva la tête et fixa le pilote, stupéfaite, elle ne s’attendait pas à de tels aveux.

-… il a été comme un père pour moi, et lorsqu’il est mort, j’ai erré, jusqu’à ce que J me trouve et fasse de moi un pilote de Gundam

Heero affronta alors à son tour le regard de la princesse.

-La guerre, ça a été tout mon univers, mais je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi les Hommes se battent.

La princesse lui sourit faiblement.

-Tu es quelqu’un d’extraordinaire Heero… dit-elle d’une voix tremblante du flot d’émotions que cette déclaration venait de provoquer en elle.

Elle était tellement heureuse qu’il lui parle de son passé et en même temps, elle se rendait compte que sa vie avait été encore pire que ce qu’elle avait imaginé, Heero ne méritait pas ça, il ne méritait pas toute cette peine qui habitait son cœur… Relena laissa s’échapper une larme. Pourquoi devaient-ils tous souffrir ainsi ? Pourquoi Heero ?

Le pilote remarqua la petite perle de liquide qui glissait doucement le long de la joue de la jeune fille. Il approcha sa main et la cueillit du bout des doigts. Relena sursauta à son contact, elle ne s’était pas rendue compte qu’elle pleurait.

-Je suis désolée, s’excusa-t-elle aussitôt, rivant à nouveau ses yeux au sol.

-Non. C’est moi, lui dit-il doucement en l’incitant à le regarder.

La princesse releva alors la tête et plongea ses yeux dans ceux du pilote, ces joyaux si bleus et si sincères, d’une profondeur qu’elle ne leur avait encore jamais vue. Elle fut subjuguée. 

 

Son regard était si triste… et il détestait la voir souffrir. Sans même s’en rendre compte, son corps suivit sa pensée et il se rapprocha d’elle. Heero fit glisser sa main jusqu’au cou de la princesse qu’il effleura du bout des phalanges, comme s’il avait peur de la briser… elle semblait si vulnérable. A ce contact si doux, Relena frissonna de tout son corps et son visage tourmenté se détendit un peu. Heero lui sourit doucement et elle fit de même, un peu plus incertaine.

En d’autres circonstances cette simple hésitation de la part de la jeune fille l’aurait arrêté, mais Heero sentait que quelque chose de beaucoup plus profond se cachait derrière cette crainte, et ça ne venait pas de lui… Ses émotions, il devait suivre ses émotions, et avoir confiance en Relena. Le pilote se rapprocha alors doucement d’elle, centimètres après centimètres, guettant le moindre signe de recul de la princesse, et Relena put bientôt sentir contre elle le souffle doux et chaud du jeune homme qui la caressait tendrement. Son cœur s’accéléra un peu plus, son ventre se noua de la tension que provoquait sa proximité et une chaleur nouvelle l’envahit, une chaleur douce et bienfaisante, comme celle qui l’avait accompagné lorsqu’il l’avait maintenue en vie…

 

Quoiqu’il advienne…ne vas plus jamais croire ça…

Les paroles du pilote vinrent soudain résonner en elle et d’un seul coup tout lui parut clair. Tout ce qui l’entourait disparu alors, il n’y avait plus qu’elle et Heero.

Leurs respirations s’accélérèrent et leurs nez se frôlèrent, se cherchant l’un et l’autre. Le jeune homme continua à lui effleurer doucement le visage jusqu’à ce que son souffle s’arrête sur ses lèvres. Il y déposa un baiser volatil, aussi léger qu’un murmure, ce qui fit à nouveau frissonner la princesse. Heero remonta sa main jusqu’à sa joue qu’il caressa tendrement avant de l’embrasser. Relena eut un léger mouvement de recul, mais répondit à son baiser, d’abord hésitante, elle s’abandonna finalement à son étreinte. Le pilote fit glisser ses mains dans son dos et elle lâcha ses rênes pour lui enlacer le cou.

Lorsqu’ils se séparèrent, ils restèrent nez contre nez. La jeune fille déplaça sa main dans une caresse et effleura de ses doigts fins les lèvres du pilote avant d’y déposer un timide baiser. Heero lui sourit et lui embrassa le bout du nez. Ils s’écartèrent alors un peu l’un de l’autre.

A cet instant, aucun mot n’aurait pu mieux exprimer ce qu’ils ressentaient que le regard qu’ils s’échangèrent. Un sourire couru sur les lèvres d’Heero, cette lueur dans les yeux de Relena, elle était revenue.

Pour la première fois depuis des mois, la princesse se sentit bien et elle fit ce qu’elle avait rêvé de faire pendant des années. Relena mit une légère pression sur l’un des bras du pilote et il s’écarta aussitôt, elle lui attrapa doucement l’avant bras et fit courir sa main jusqu’à la sienne. Elle effleura de ses doigts la paume ouverte du jeune homme, suivant les lignes et les courbures de son corps. Heero la regarda faire amusé, jusqu’à ce qu’il  referme doucement sa main sur celle de la jeune fille. Leurs doigts s’enlacèrent et leurs mains entremêlées s’élevèrent dans un même mouvement.

-Les mains m’ont toujours fasciné, murmura la princesse, les tiennes tout particulièrement.

-Pourquoi ? lui dit-il doucement.

-Sur une arme, tu peux nouer tes doigts, pour agresser serrer les poings, mais tes paumes sont faites pour aimer… [3]

Le regard d’Heero se voila sensiblement, et il l’attira légèrement vers lui tout en la relâchant. La jeune fille comprit aussitôt et se décala, le pilote se rapprocha alors d’elle et la laissa se poser doucement contre son torse, il releva ses jambes de chaque côté de son corps et se pencha vers l’avant pour l’entourer de ses bras. Relena fut rapidement envahit par la chaleur d’Heero, elle ferma les yeux et tout son corps se détendit, sa tête basculant légèrement en arrière contre son épaule. Le pilote se laissa aller lui aussi au bonheur de l’instant présent et ferma les yeux pendant quelques secondes, se laissant bercer par la respiration lente et régulière de la ministre.

-Je ne voulais pas te cacher mon passé, mais je ne pensais pas que tu réagirais ainsi, lui dit-il sincèrement en se redressant légèrement.

Relena rouvrit les yeux, toujours fixés sur la mer.

-J’ai toujours eu confiance en toi Heero, et ton passé ne fait que confirmer ce que j’ai toujours su, sous ce que la vie a fait de toi se cache un cœur d’une pureté préservée.

Le pilote ne répondit pas, mais elle n’en fut pas étonnée. Heero avait les mains tâchées de sang et il ne pourrait accepter cette partie de lui-même seulement lorsqu’il se serait pardonné.

-Je voulais que tu saches… commença-t-elle hésitante.

Le jeune homme se raidit inconsciemment à son ton, la princesse le sentit et posa doucement sa main contre la sienne. Heero comprit qu’elle avait besoin d’aide et il la resserra tendrement contre lui.

-… je t’ai envoyé à Sank, reprit-elle, parce que je ne voulais pas te savoir auprès de moi… je ne voulais pas que tu interviennes…

-Je ne me serais pas permis de modifier tes choix…

-Je le sais Heero, mais ta simple présence aurait été suffisante… Je l’aurais fait pour toi, dit-elle du bout des lèvres.

Ces dernières paroles touchèrent le jeune homme en plein cœur, et sans réfléchir, il prit le visage de la princesse et le tourna doucement vers lui.

-Alors comprends-moi, comprends pourquoi je suis intervenu lorsque tu as voulu renoncer à la vie. Tu ne pouvais pas me demander de te regarder mourir sans rien faire… Jamais je n’aurais la prétention de penser que je suis suffisant pour te donner une raison de vivre, cependant, je continuerais à intervenir à chaque fois que je le jugerais nécessaire.

Le regard de la princesse trembla et un sourire empli d’amour apparu sur ses lèvres.

-Tu as tords, lui dit-elle doucement.

Les yeux du pilote s’agrandirent alors et son regard se figea de surprise. Relena se rapprocha un peu plus et effleura tendrement de ses lèvres celles d’Heero. Le jeune homme ferma les yeux et se laissa faire, la princesse fit alors courir sa main sur tout son visage, parcourant avec d’infimes précautions sa peau si douce. Elle fit glisser ses doigts dans ses cheveux de jais et redescendit jusqu’à la base de son cou. Heero rouvrit alors les yeux et la regarda avec amour, il s’abaissa vers elle et scella dans un baiser la promesse de veiller toujours sur elle.

 

Ils restèrent encore un moment sur la plage, jusqu’à ce que les premières étoiles apparaissent.

-Nous devrions y aller, où les autres vont finir par s’inquiéter et puis je ne voudrais pas que tu attrapes froid.

La princesse lui sourit et hocha affirmativement la tête.

Heero se releva et aida Relena à faire de même. La jument qui était jusque là restée parfaitement immobile releva la tête et pointa les oreilles, la jeune fille se tourna vers elle et la caressa.

-Merci d’être restée avec nous, lui murmura-t-elle.

Elle rattrapa les rênes au sol et les passa par-dessus l’encolure, elle se rendit alors compte qu’avec son bras blessé elle ne pourrait pas monter sur le dos nu de l’animal. Elle n’y avait pas pensé lorsqu’elle était descendue…

-Laisses-moi t’aider.

-Merci…

Heero lui donna l’élan nécessaire et elle n’eut aucun mal à se hisser sur son dos. Relena lui tendit alors sa main et il la regarda, étonné.

-Je monte, tu montes, où alors nous marcherons tous les deux et ça ne se discute pas.

-Mais la jument, tu ne crois pas que…

-Inès a confiance en moi et j’ai confiance en elle.

Face au regard déterminé de la princesse, Heero laissa échapper un sourire conquis. Il lui attrapa la main et d’un coup de reins se retrouva sur l’animal, derrière Relena.

La jument fit un pas de coté, un peu surprise, puis se stabilisa.

-Avances-toi le plus possible, ça lui permettra de garder un bon équilibre.

Le jeune homme s’exécuta, il se rapprocha et entoura doucement la taille de la ministre pour nouer ses deux mains au niveau de son ventre et déposa un baiser volatil contre son cou tout en lui murmurant :

-Là, c’est assez près ?

Relena lui sourit doucement.

-C’est parfait, surtout ne bouges plus.

Heero sourit à son tour et posa doucement son menton contre son épaule.

Elle pressa alors les mollets et la jument se mit en marche, bientôt leurs silhouettes disparurent, enveloppées par la pénombre du désert.

 

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[1] : Cette méthode je ne l’ai pas inventée, elle existe réellement. On nomme les dresseurs qui l’utilisent les nouveaux maîtres, cette façon de dresser est basée sur la non-violence et le respect de l’intégrité de l’animal. Le procédé qui est utilisé ici est basé sur le « join up » de Monty Roberts et la méthode d’Elisabeth de Corbigny.

 

[2] : On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux…Voilà c’est le titre en entier de ma fic ! C’est une citation de Saint Exupéry, tirée du petit prince.

[3] : Ces paroles sont tirées de « Nos mains » de Jean Jacques Goldman.

 

Note de l’auteur : Alors vous n’espériez plus hein ? Je vous ai fait saliver pendant 10 chapitres ! Et maintenant, que va-t-il se passer… ? Avec mon esprit tordu, il faut s’attendre à tout, mais ça, vous devez commencer à le savoir... Hum, Hum, suspense ! Il y en a d’autres pas mal qui devraient arriver, mais différents de ceux que vous avez déjà lu, bin vi, l’histoire l’est plus pareille maintenant  ^^

 

Chapitre Commencé le 03/09/2003, Terminé le 25/09/2003



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